Réponse à demande de renouvellement contenant une erreur matérielle : le juge peut interpréter.

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

  

SOURCE : 3ème civ, 19 février 2014, 12-28.375, Inédit

 

Par un arrêt du 5 juin 2013 commenté sur Vivaldi-Chronos[1], la Cour de cassation avait approuvé la Cour d’appel de Lyon d’avoir confirmé l’efficacité d’un congé délivré par un huissier de justice qui avait agit en contradiction avec le mandat donné par ses clients : il avait délivré un congé au lieu d’une demande de renouvellement…

 

Pour la Cour d’appel, la nullité des actes d’huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent les actes de procédure et la nullité d’un congé ne pouvait être prononcée au motif que l’huissier aurait agi en dehors de son mandat, ou que cet acte aurait été délivré par erreur et en l’absence de consentement.

 

Un plaideur éventuellement inspiré par cet arrêt avait considéré que la réponse à demande de renouvellement qui lui était signifiée, et qui contenait une somme de 1500€ annuel, au lieu de 1500€ mensuel, était insusceptible d’interprétation par le juge.

 

Plus précisément, par acte extrajudiciaire, un preneur sollicite le renouvellement de son bail aux clauses et conditions antérieures, notamment un loyer mensuel de 1463,59€. Le bailleur accepte le renouvellement, mais pour un loyer annuel de 1500€, que le preneur accepte… Le bailleur comprend son erreur et signifie au preneur un acte rectificatif mentionnant le renouvellement était accepté pour loyer mensuel de 1500€. Face au refus du preneur d’acquitter ce « nouveau » loyer, le bailleur a saisi le juge des loyers près le Tribunal de Grande Instance de Montbéliard, lequel le déboute de ses prétentions et fixe le nouveau loyer à la somme de 1500€ annuels, soit 125€ mensuels.

 

La Cour d’appel de Besançon, après avoir logiquement censuré la décision du juge des loyers qui n’était pas compétent pour statuer sur la validité de la réponse à demande de renouvellement de bail… opère une distinction entre l’instrumentum de l’acte d’huissier, et son negotium : elle retient ainsi que le régime de nullité des actes de procédure s’applique à l’acte, et non à son contenu, qui reste soumis au droit commun. L’acte étant affecté d’une grave et flagrante erreur matérielle, il n’était pas valable et devait être privé d’effet. En conséquence, le bailleur avait accepté la demande de renouvellement du preneur pour un loyer de 1500€ mensuels, par son acte rectificatif. La Cour fixe à ce montant le loyer de renouvellement.

 

La Cour de cassation ne censure pas la position de la Cour d’appel, mais ne partage pas leur position : Il ne s’agit pas, pour les juges du fond, de prononcer la nullité de l’acte d’huissier, mais d’interpréter souverainement son contenu ambigu. En conséquence, le premier acte est efficace, mais doit être rectifié de son erreur matérielle.

 

En conséquence, si le juge ne peut pas transformer un congé en demande de renouvellement, il peut rectifier son contenu affecté d’une erreur grossière, purement matérielle.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats


[1] Cf notre article, Validité du congé délivré par erreur par l’huissier

 

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