Déchéance du droit à remboursement de la caution : illustration

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Par conséquent, au moment du paiement effectué par la caution, les emprunteurs disposant de la possibilité d’obtenir l’annulation du contrat de prêt conduisant à ce qu’ils restituent à la banque le capital versé, déduction faite des sommes déjà payées, leur obligation de remboursement à l’égard de la caution doit être limitée dans cette proportion.

 

Source : Cass. civ. 1, 9 septembre 2020, n° 19-14.568, F-P+B

 

I – Les faits

 

Un établissement de crédit a consenti à deux emprunteurs un prêt immobilier, garanti par un cautionnement. Les échéances impayées se multipliant, la banque a prononcé la déchéance du terme. Après avoir payé les sommes réclamées à la banque, la caution a mis les emprunteurs en demeure de lui rembourser ces sommes. Les emprunteurs ont alors assigné la banque et la caution en nullité du contrat de prêt et du cautionnement et en paiement de dommages-intérêts, et la caution a assigné les emprunteurs en remboursement. La nullité du contrat de prêt a été prononcée, en raison d’un démarchage irrégulier des emprunteurs.

 

La cour d’appel a condamné les emprunteurs à payer à la caution le capital prêté, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, déduction faite des sommes versées par les emprunteurs. La caution a alors formé un pourvoi en cassation reprochant à l’arrêt d’appel d’avoir ainsi limité la condamnation des emprunteurs. Ces derniers ont formé un pourvoi incident.

 

II – Le pourvoi

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi principal et le pourvoi incident. Concernant le pourvoi principal de la caution, la Haute Cour précise que l’arrêt d’appel a constaté que la caution a désintéressé la banque à la suite de la présentation d’une lettre de sa part, l’engageant à la tenir informée de sa décision à la suite d’impayés des emprunteurs, et qu’elle n’a pas averti de cette sollicitation ces derniers, qui disposaient alors d’un moyen de nullité permettant d’invalider partiellement leur obligation principale de remboursement.

 

Ainsi, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, qu’en l’absence d’information préalable des emprunteurs conformément aux dispositions de l’article 2308 du Code civil, la caution avait manqué à ses obligations à leur égard et devait être déchue de son droit à remboursement à hauteur des sommes que ces derniers n’auraient pas eu à acquitter.

 

S’agissant du pourvoi incident des emprunteurs, la Cour de cassation retient qu’il résulte des constatations de l’arrêt qu’au moment du paiement effectué par la caution, les emprunteurs n’avaient pas de moyens de faire déclarer leur dette éteinte, mais disposaient de la possibilité d’obtenir l’annulation du contrat de prêt. Elle en conclut donc que dès lors que cette annulation conduisait à ce qu’ils restituent à la banque le capital versé, déduction faite des sommes déjà payées, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que leur obligation de remboursement à l’égard de la caution devait être limitée dans cette proportion.

 

Les meilleurs commentateurs y voient une solution est mesurée, en ce qu’elle permet aux débiteurs d’obtenir une déchéance partielle des droits de la caution, interprétant de manière très extensive l’article 2308, alinéa 2, du code civil, ce texte prévoyant clairement que la caution « n’aura point de recours » contre le débiteur principal (’opinion doctrinale couramment répandue est qu’une telle déchéance est d’interprétation stricte).

 

La caution encourait donc une déchéance totale. Une application orthodoxe du texte en question aurait donc dû conduire à interdire à la caution d’exercer un quelconque recours à l’encontre des emprunteurs. Elle aurait pu, en revanche, conformément au même texte, agir en répétition contre le créancier.

 

Le professeur Jean-Denis PELLIER conclue notamment ainsi :

 

« Mais l’on peut, à la réflexion, se demander si c’est bien l’application de l’article 2308, alinéa 2, du code civil qui devait être faite en l’occurrence : la caution avait certes « payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal », la banque s’étant adressée à elle sans la poursuivre en justice. Mais le texte exige en outre que le débiteur ait « eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte », ce qui n’était pas le cas en l’occurrence, la première chambre civile affirmant d’ailleurs expressément que « les emprunteurs n’avaient pas de moyens de faire déclarer leur dette éteinte, mais disposaient de la possibilité d’obtenir l’annulation du contrat de prêt ». Dans ces conditions, la caution pouvait-elle vraiment être déchue de son droit à remboursement, fût-ce partiellement ? »

 

La Cour de cassation semble en tous les cas vouloir intégrer de la souplesse, là où le texte n’en a pas. Tant mieux pour l’emprunteur… tant pis pour la caution.

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