Crédit immobilier, clause de résiliation anticipée et clause abusive : nouvelle précision de la Cour de cassation

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. civ. 1ère, 20 janvier 2021, n° 18-24.297, FS-P+I

 

I – L’espèce

 

Une banque a consenti un prêt immobilier, les conditions générales du contrat prévoyant à l’article 9.1 une exigibilité anticipé du prêt, sans que le prêteur ait à remplir une formalité judiciaire quelconque, en cas de fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l’emprunteur, dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur.

 

Ainsi, soutenant que les emprunteurs avaient produit de faux relevés de compte à l’appui de leur demande de financement, la banque s’est prévalue de cette clause de résiliation anticipée, pour prononcer la déchéance du terme, puis les a assignés en paiement.

 

Le juge du fond a accueilli la demande en paiement de la banque, après avoir exclu le caractère abusif de l’article 9.1 des conditions générales du contrat. Les emprunteurs ont formé un pourvoi en cassation.

 

II – Le pourvoi

 

Les demandeurs au pourvoi soutenaient que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, mais aussi que sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable.

 

Ici l’article 9.1 des conditions générales du contrat de prêt prévoyait la faculté pour la banque de prononcer la déchéance du terme, rendant immédiatement exigibles les sommes dues, notamment en cas de fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l’emprunteur, sans qu’aucun délai de préavis n’ait à être respecté. La clause devait donc être présumée abusive, sauf à la banque à prouver le contraire.

 

En jugeant la clause non abusive sans constater que la banque avait renversé la présomption, relativement à l’absence de délai de préavis, la cour d’appel aurait violé les articles L. 132-1, ancien (devenu L. 212-1 ) et R. 132-2, 4°, ancien (devenu R. 212-2, 4° ) du Code de la consommation.

 

Selon l’article L.212-1 du Code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’article R. 632-1 du même code précise que le juge doit écarter d’office l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débats

 

Le caractère abusif d’une clause peut s’apprécier à la lumière des articles R 212-1 et R 212-2 du Code de la consommation, qui édictent une liste de clauses présumées abusives, irréfragablement ou pas. Le juge peut en outre apprécier l’existence du déséquilibre conformément aux règles de droit commun ou, le cas échéant, se référer aux recommandations émises par la Commission des clauses abusives, qui ne le lient toutefois pas.

 

Le pourvoi est rejeté, la Haute Juridiction estimant que la clause litigieuse limitait la faculté de prononcer l’exigibilité anticipée du prêt à un cas précis : « la fourniture de renseignements inexacts portant sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l’octroi du prêt ». Elle ne privait pas l’emprunteur de recourir au juge. Elle sanctionnait la méconnaissance de l’obligation de contracter de bonne foi au moment de la souscription du prêt.

 

III – Portée

 

Dans sa recommandation n°04-03 du 30 septembre 2004, la Commission des clauses abusives recommande que soient éliminées des contrats de prêt immobilier les clauses ayant pour objet ou pour effet « de laisser croire que le prêteur peut prononcer la déchéance du terme en cas d’inobservation d’une quelconque obligation ou en cas de déclaration fausse ou inexacte relative à une demande de renseignements non essentiels à la conclusion du contrat, et sans que le consommateur puisse recourir au juge pour contester le bien-fondé de cette déchéance ».

 

Les clauses de résiliation anticipée du contrat de crédit immobilier ont donné lieu à une jurisprudence remarquée ces dernières années. Ainsi la Cour de cassation a qualifié de clause abusive qui autorise la banque à exiger la totalité des sommes dues en cas de déclaration inexacte de l’emprunteur, en ce qu’elle est de nature à laisser croire que la banque dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l’importance de l’inexactitude de cette déclaration et que l’emprunteur ne peut pas recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme[1].

 

A l’inverse, si la clause est plus précise quant aux évènements entraînant le prononcé de la déchéance du terme, et qu’elle n’exclut pas le recours au juge, elle sera plus facilement admise par la Haute juridiction[2].

 

La décision ci-commentée est dans le sillage de cette dernière, une large publicité en plus, témoignant de la volonté de la Cour d’encadrer strictement le caractère abusif de la clause de résiliation anticipée d’un crédit immobilier.

 

Une clause de résiliation, non fondée sur une défaillance de l’emprunteur en matière de remboursement mais sur la réalité de ses déclarations, est parfaitement admissible du moment qu’elle est suffisamment précise concernant les informations inexactes concernées, et qu’elle ne parait pas remettre en cause le recours au juge en cas de contestation par le client.

 

[1] Cass. civ. 1ère, 10 octobre 2018, n°17-20.441, F-P+B

 

[2] Cass. civ. 1ère, 28 novembre 2018, n° 17-21.625, F-P+B

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