Crédit à la consommation et remise des documents précontractuels d’information : quel mode de preuve ?

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. civ. 1ère, 8 avr. 2021, n° 19-20.890, n° 301 P

 

I – Contexte

 

Les articles L.312-12 et L.312-29 du Code de la consommation imposent aux établissements de crédits et leurs intermédiaires  de remettre à  l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à ce dernier, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement. Côté assurance, cette notice comporte les extraits des conditions générales de l’assurance, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.

 

La Cour de justice de l’Union européenne a opéré en 2014 un revirement de jurisprudence au sujet de la preuve de la nécessaire remise par le prêteur du bordereau de rétractation à l’emprunteur[1]. La Cour de cassation a intégré ce revirement de jurisprudence en droit interne, dans un arrêt du 21 octobre 2020 largement diffusé[2].

 

Il incombe désormais au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles, de sorte que la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

 

Cette solution est reconduite par la Cour de cassation au cas présent, en des termes très proches, en l’appliquant cette fois-ci à la preuve de la remise de la fiche précontractuelle d’information et à celle de la remise de la notice d’assurance.

 

II – L’espèce

 

À la suite d’une offre acceptée le 15 mai 2013, une banque consent à l’une de ses clientes un prêt dit de « regroupement de crédits »  d’un montant de 33.000,00 €, mentionnant son époux en qualité de coemprunteur. Le 29 octobre 2014, l’emprunteuse est placée sous le régime de curatelle et son époux désigné comme curateur.

 

Des échéances restant impayées, la banque prononce la déchéance du terme et assigne le couple d’emprunteurs en paiement du solde du prêt. En défense, ceux-ci reprochent notamment à la banque prêteuse de ne pas leur avoir transmis les informations précontractuelles relatives au prêt et à l’assurance souscrite. Partant, ils sollicitent la déchéance du droit aux intérêts du prêteur.

 

La cour d’appel rejette les demandes des emprunteurs. Elle constate en effet que ces derniers produisent une fiche explicative et l’offre préalable de crédit, lesquelles comportent, chacune, une mention pré-imprimée suivie de sa signature par laquelle elle reconnaît avoir reçu la fiche précontractuelle d’information normalisée européenne et la notice d’assurance.

 

En l’absence de tout autre élément produit par les coemprunteurs permettant de douter de leur remise ou de leur régularité, elle en déduit que ces mentions laissent présumer la remise des documents litigieux. Elle condamne conséquemment les emprunteurs à payer le solde du prêt outre accessoires de droit.

 

III – Le pourvoi en cassation

 

Les emprunteurs forment un pourvoi en cassation. Ils reprochent aux juges du fond d’avoir inversé la charge de la preuve et violé l’article 1353 du Code civil et l’ancien article L. 311-6 (devenu L. 312-12) du Code de la consommation, alors applicable, tel qu’interprété à la lumière de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008. Ils soutiennent en effet qu’il incombe au prêteur, tenu d’une obligation particulière d’information, d’établir qu’il a remis à l’emprunteur la fiche d’information précontractuelle prévue à l’ancien article L. 311-6 (devenu L. 312-12) du code de la consommation, cette preuve ne pouvant résulter de la seule signature d’une clause par laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu ladite fiche.

 

La Cour de cassation accueille cet argument au visa des anciens articles L. 311-6 (devenu L. 312-12) et L. 311-19 (devenu L. 312-29) du code de la consommation. Le prêteur devant rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles, la signature par l’emprunteur d’une fiche explicative et de l’offre préalable de crédit comportant chacune une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche précontractuelle d’information normalisée européenne et la notice d’assurance constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

 

La solution, versant fiche d’information précontractuelle, n’est en réalité pas nouvelle[3]. L’apport vient ici versant notice d’assurance,  car la solution commentée va plus loin encore que la solution retenue par la Cour de cassation dans un arrêt du 05 juillet 2018[4]. Elle y a censuré une cour d’appel ayant retenu que la signature de l’emprunteur sur le bulletin d’adhésion sous la mention « je reconnais avoir pris connaissance et rester en possession de la notice d’assurance (…) qui m’a été remise avec l’offre de prêt et demande à adhérer à l’assurance » n’est pas suffisante à démontrer la remise effective de ladite notice, laquelle ne peut résulter que de la signature apposée sur celle-ci.

 

Il n’y a effectivement que cette dernière solution, qui clora le débat définitivement.

 

[1] CJUE, 18 déc. 2014, aff. C-449/13, CA Consumer Finance

 

[2] Cass. 1re civ., 21 oct. 2020, n° 19-18.971, n° 620 P + B + I

 

[3] Cass. civ. 1ère, 5 juin 2019, n° 17-27.066

 

[4] Cass. civ. 2ème, 5 juill. 2018, n° 17-20.244

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