SOURCE : 3ème civ, 14 novembre 2019, n°18-21297, Inédit
Il est de jurisprudence constante que pour être qualifié de convention d’occupation précaire, le contrat doit présenter des circonstances particulières, indépendantes de la seule volonté des parties, la Haute Cour y ajoutant récemment[1] que la situation locative doit évidemment présenter une cause objective de précarité, c’est-à-dire rendre nécessaire la formalisation d’une telle convention.
Dès que les critères sont remplis, à lire la décision commentée et les moyens du pourvoi, l’évolution postérieure des « circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties » ne dénature pas nécessairement la convention lors de son renouvellement, comme le suggérait pourtant un récent arrêt d’espèce[2].
La présente affaire s’inscrit dans un contexte de renouvellement urbain de la place du Mont Blanc à CHAMONIX, dont le projet évoquait en 1979 la destruction et l’expropriation de l’Hôtel « Le Stade ». Son propriétaire, qui en était également l’exploitant, décide à partir de 1987, le temps du traitement du projet d’urbanisme, de donner le rez de chaussée à bail annuel renouvelable.
En 1989 la commune indique au propriétaire que l’édifice n’aura finalement pas à être détruit dans le cadre du schéma d’aménagement, sans que les parties n’en tiennent compte dans le cadre du renouvellement de leur convention.
En 1990, la commission de sécurité fait fermer le troisième étage de cet édifice en bois, en raison de l’absence d’isolement au feu. Enfin, à l’occasion de l’adoption du Plan local d’urbanisme 2004, le propriétaire indique vouloir créer des appartements à la place de l’Hôtel, ce qui a nécessité sa destruction puis sa reconstruction.
Après reconstruction, le propriétaire propose la conclusion d’un bail commercial à des conditions financières différentes que le locataire refuse, portant l’affaire devant les juges chambériens en versement d’une indemnité d’éviction. Il est débouté de sa demande.
La Cour d’appel de CHAMBERY estime en effet que la démolition de l’immeuble était en discussion dès la conclusion du bail initial puis évoquée à de nombreuses reprises. L’immeuble a finalement été démoli, certes pas dans le cadre du renouvellement urbain, mais dans celui de sa mise aux normes, ce qui justifie l’existence de conventions précaires entre les parties, et conséquemment l’absence de propriété commerciale du locataire.
A l’appui de son pourvoi, le locataire affirme notamment qu’à partir de 1989, c’est-à-dire l’abandon du projet de démolition de l’immeuble au titre du renouvellement urbain, le motif de précarité de l’occupation dépendait exclusivement de la volonté du bailleur, qui seul avait la possibilité de poursuivre ou non la destruction du bâtiment.
Son pourvoi est rejeté, la Cour considérant simplement que la destruction de l’immeuble était l’objet de discussions récurrentes depuis l’origine des relations contractuelles, lié au projet de rénovation urbaine, de sorte que les lieux n’étaient pas destinés à rester pérennes, justifiant le recours à la convention d’occupation précaire.
Il n’est évidemment jamais aisé de déduire des enseignements d’un arrêt sans porté normative. Il ressort toutefois de cette affaire que le motif de précarité peut évoluer, l’essentiel étant que le projet, en l’occurrence la destruction de l’immeuble, ne soit pas définitivement abandonné au jour du renouvellement de la convention.
[1] 3ème civ, 12 décembre 2019, n°18-23784, FS-P+B+I, et notre commentaire du 24 décembre 2019.
[2] 3ème civ, 8 mars 2018, n°16-22.081, Inédit, et notre commentaire.