Conditions d’application de l’abattement de 159 325 € prévu pour les personnes souffrant d’une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise les empêchant de travailler normalement sur les droits de succession ou de donation

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

Source : CCass, com 23/06/2021 n°19-1680, publié au Bulletin

 

L’article 779 du CGI prévoit un abattement de 159 325 € pour les héritiers, légataires ou donataires « incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité, en raison d’une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise ».

 

Un contribuable ayant subi une énucléation de l’œil gauche avait pratiqué l’abattement susmentionné pour déterminer les droits d’enregistrement dont il devait s’acquitter au titre du legs reçu de sa sœur. L’administration fiscale a remis en cause l’application de cet abattement ce qu’il a contesté devant les juridictions du fonds qui l’ont débouté de sa demande d’annulation de la décision de rejet de sa réclamation.

 

La Cour de Cassation saisie de l’affaire rejette également son pourvoi et profite de l’espèce pour clarifier les conditions d’application de l’abattement en cause.

 

La Cour de Cassation rappelle les dispositions de l’article 294 de l’annexe II du CGI qui dispose : «  L’héritier, légataire ou donataire, qui invoque son infirmité, doit justifier que celle-ci l’empêche soit de se livrer dans des conditions normales de rentabilité à toute activité professionnelle, soit, s’il est âgé de moins de dix-huit ans, d’acquérir une instruction ou une formation professionnelle d’un niveau normal ».

 

La Cour de Cassation en déduit qu’il appartient au contribuable qui invoque son handicap de « prouver le lien de causalité entre sa situation de handicap et le fait que son activité professionnelle a été limitée et son avancement retardé ou bloqué ».

 

Ainsi, pour bénéficier de l’abattement, il ne suffit pas d’être handicapé et d’avoir une situation professionnelle limitée mais il faut que le handicap soit la cause des difficultés professionnelles rencontrées. La preuve de ce lien de causalité est apportée par tout moyen par le contribuable.

 

La Cour de Cassation fait une étude fouillée du dossier pour confirmer la position des juges du fond.

 

Elle s’interroge sur les possibilités d’évolution de carrière du contribuable au sein de son entreprise et la possibilité de reprendre des études eu égard à son état de santé. Elle prend également en compte le fait qu’il ait fait l’objet d’un plan de départ à la retraite.

 

Elle relève que le contribuable n’apporte pas d’éléments permettant d’établir que son état de santé aurait été un frein à son évolution professionnelle ou que son départ à la retraite, dans l’hypothèse où il aurait été anticipé du fait de son état de santé, ait un impact négatif sur ses revenus.

 

Le contribuable invoquait également le fait de n’avoir pu, du fait de son état de santé, faire carrière dans la marine nationale. La Cour de Cassation écarte cet argument dès lors que le contribuable ne démontre pas « qu’une telle carrière lui aurait offert des perspectives économiques plus favorables durant sa vie active et sa retraite ».

 

Le contribuable souhaitant bénéficier de cet abattement doit ainsi sérieusement documenter son dossier dès lors que les exigences de la jurisprudence sont poussées.

 

Le fait de subir un handicap n’est pas suffisant pour bénéficier de l’abattement. La loi et la jurisprudence postulent ainsi qu’une infirmité n’est pas un frein en soi à l’emploi…

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