Communication tardive d’une information privilégiée : le dirigeant de l’émetteur demeure sanctionnable nonobstant le règlement du 16 avril 2014.

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

SOURCE : Cass com., 14 novembre 2018, n° 16-22.845, Publié au Bulletin

  

L’article 223-2 du Règlement Général de l’Autorité des Marchés Financiers (RGAMF) met à la charge des sociétés dont les titres sont admis sur un système multilatéral de négociation organisé, de :

 

« (…) dès que possible, porter à la connaissance du public toute information privilégiée définie à l’article 621-1 et qui le concerne directement. »

 

Pour en renforcer l’efficacité, l’article 221-1 du RGAMF met solidairement le respect de cette obligation à la charge du dirigeant de l’émetteur :

 

« (…) Les dispositions du présent titre sont également applicables aux dirigeants de l’émetteur, de l’entité ou de la personne morale concernés. »

 

C’est ainsi que le PDG d’une société dont les titres venaient d’être admis à la négociation sur Alternext  (devenu « Euronext Growth » en juin 2017) a été personnellement sanctionné par la Commission des sanctions de l’AMF au titre d’un manquement à son obligation d’information permanente du public en omettant de communiquer dès que possible l’information privilégiée relative à la dégradation des résultats de sa société.

 

La Commission des sanctions retenait, à cet égard, que le conseil d’administration de l’émetteur avait arrêté, le 17 juin 2011, les comptes de l’exercice clos de la société au 31 mars 2011, lesquels faisaient notamment apparaître des pertes d’exploitation de 3,7 millions d’euros contre 1,8 million d’euros l’année précédente. Cette information n’était cependant portée à la connaissance du marché que le 22 juillet 2011, et avait conduit à une diminution de la valeur du titre de 41%, ce qui en faisait manifestement, une information privilégiée.

 

La décision de sanction était confirmée par la Cour d’appel de PARIS, sauf pour les juges du fond à en réduire le montant de 150.000 € à 90.000 €.

 

Le dirigeant avait formé un pourvoi contre cet arrêt. Il soutenait notamment que le règlement UE n°596/2014 du 16 avril 2014, et plus précisément son article 17, ne prévoyait aucune sanction du dirigeant de l’émetteur en cas de retard dans la communication d’une information privilégiée. Le dirigeant en déduisait que cette loi répressive moins sévère au sens de l’article 112-1 al 3 du Code pénal, devait s’appliquer au litige et écarter en conséquence toute application du dernier alinéa de l’article 221-1 du RGAMF.

 

La Chambre commerciale de la Cour de cassation ne partage pas sa position, relevant de la lecture de l’article 30 dudit règlement, que les dispositions litigieuses ne constituent que des

 

« mesures minimales que les Etats membres doivent mettre en place pour faire en sorte que, conformément au droit national, les autorités compétentes aient le pouvoir de prendre les sanctions administratives et autres mesures administratives appropriées pour faire respecter les règles de fonctionnement du marché ; qu’il en résulte que ne sont pas contraires au règlement susvisé et sont donc toujours applicables les dispositions de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF qui permettent de sanctionner les dirigeants d’une personne morale lorsque cette dernière n’a pas respecté ses obligations en matière de publication d’informations privilégiées (…) ».

 

La France pouvait donc sanctionner le dirigeant de l’émetteur au-delà des dispositions règlementaires. La Haute juridiction rejette donc le pourvoi.

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