Conseil d’Etat et Cour de cassation : une divergence dans l’appréciation de la notion de groupe en matière d’évaluation du PSE.

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCE : Arrêt des 4ème et 1ère chambres réunies du Conseil d’Etat du 24 octobre 2018, n° 397900

 

Une société mère et deux de ses filiales ont, suite à la résiliation de contrat avec des opérateurs de téléphonie mobile, décidé la fermeture de l’ensemble des établissements et procédé au licenciement de 719 salariés.

 

Par suite, plusieurs salariés de ces entités ont saisi le Tribunal administratif de Lille, sollicitant l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 18 mai 2015 du Directeur de la DIRECCTE homologuant le Plan de Sauvegarde de l’Emploi de l’Unité Economique et Sociale.

 

Par jugement du 14 octobre 2015, le Tribunal administratif de Lille a annulé cette décision au motif de l’insuffisance des recherches de reclassement auprès des autres entreprises du groupe notamment en raison de l’absence de mention dans le plan de plusieurs postes disponibles et du caractère tardif des recherches au niveau de la Holding.

 

Les sociétés ont interjeté appel de la décision, qui a été rejeté par la Cour administrative d’appel de Douai dans un arrêt en date 11 février 2016

 

Saisi, le Conseil d’Etat dans un premier arrêt du 7 février 2018 ; a annulé l’arrêt de la cour d’appel de Douai et sursis à statuer sur la requête présentée par les sociétés devant la cour administrative d’appel dans la mesure où :

 

– Les moyens du groupe doivent être vérifiés au niveau de l’ensemble des entreprises placées sous le contrôle d’une même entreprise dominante ;

 

– En l’espèce, l’UES est elle-même détenue à 100% par une autre société et qu’il restait en suspend la question de savoir si cette société était une entreprise dominante, de sorte que l’administration n’a pas tenu compte des moyens financiers dont disposait ladite société afin d’examiner les mesures du PSE ;

 

– Cet élément n’ayant pas été contradictoirement débattu, il y avait lieu de sursoir à statuer.

Le Conseil d’Etat était à nouveau chargé d’examiner l’affaire, notamment s’agissant de la qualification de société dominante.

 

Les sociétés de l’UES soutiennent qu’en application de l’article L. 2331-4 du Code du travail, disposition excluant du cadre de la mise en place du comité de groupe les sociétés « dominantes » dont l’objet unique est la prise de participation dans d’autres entreprises, sans immixtion dans leur gestion. Par conséquent, une telle société ne doit pas être prise en compte pour apprécier la pertinence du PSE.

 

Toutefois, le Conseil d’Etat dans un arrêt du 24 octobre retient que :

 

– Les moyens du groupe doivent s’analyser comme notamment les moyens financiers dont dispose l’ensemble des entreprises placées sous le contrôle d’une même entreprise dominante dans les conditions définies aux articles L. 233-1 et suivants du Code de commerce ainsi que de ceux dont dispose cette entreprise dominante et ce, indépendamment du lieu d’implantation du siège de l’entreprise ;

 

– La notion de groupe de sociétés auquel il est fait référence au sein de l’article L. 1233-57-3 du Code du Travail « n’est pas nécessairement identique » à celui pour lequel l’article L. 2331-4 prévoit la constitution d’un comité de groupe ;

 

– L’administration doit inclure pour déterminer le périmètre du groupe, les sociétés dominantes ; dont il convient de prendre en compte les moyens financiers dont disposait l’entreprise dominante pour apprécier les mesures du PSE.

En conséquence, la décision de l’administration homologuant le PSE sans tenir compte de ces éléments est illégale et doit être annulée pour excès de pouvoir.

 

Afin de définir la notion de groupe le conseil d’Etat retient les dispositions du Code de commerce alors que la Cour de cassation et plus particulièrement la chambre sociale a toujours fait référence, comme elle le souligne, dans sa note explicative de l’arrêt du 16 novembre 2016 n° 14-30.063 estampillé FS – P + B + R + I à l’article L. 2331-1 du code du travail.

 

Elle emploie la notion d’entreprise dominante de façon plus large que celle de société mère, et vise pour déterminer un ensemble économique, d’une part les entreprises contrôlées, ce qui renvoie à des rapports de nature sociétaire du code de commerce et, d’autre part, des entreprises sous influence dominante, ce qui renvoie à des éléments sociétaires et économiques.

 

Ainsi, elle avait approuvé une cour d’appel qui avait refusé de reconnaître l’existence d’un groupe car, si tant est que l’entreprise appartienne à un réseau de distribution qui constituait un groupement de commerçants indépendants, se structurant autour d’une association des centres distributeurs décidant de l’attribution de l’enseigne à ses adhérents et définissant les orientations globales du réseau, d’un groupement d’achat commun et de coopératives régionales assurant des fonctions logistiques au bénéfice des commerçants adhérents, il n’existait pas de liens capitalistiques entre les sociétés ni de rapport de domination d’une entreprise sur les autres.

 

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