SOURCE : 3ème civ, 17 mai 2018, n°17- 16.113 FS-P+B+I
La loi du 18 juin 2014 dite Pinel, a créé au bénéfice du preneur à bail commercial, un droit de préemption dans l’hypothèse où le propriétaire du local envisage de le vendre. Codifié à l’article L145-46-1 du Code de commerce, le texte prévoit toutefois des limites à ce droit de préemption, évoquées au dernier alinéa :
« Le présent article n’est pas applicable en cas de cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial. Il n’est pas non plus applicable à la cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou à la cession d’un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint. »
Une lecture stricte du texte conduit à relever que le droit de préemption ne s’applique ni en cas de cession forcée (judiciaire) du local, ni en cas de cession global d’un immeuble à jouissance partagée. Mais la spécificité de la présente affaire a amené la Cour de cassation à interpréter plus précisément ces dispositions
En l’espèce, à la suite d’une mésentente entre associés, ayant conduit à la dissolution d’une SCI propriétaire d’un immeuble donné à bail à usage commercial et de deux terrains, le liquidateur amiable de la SCI décide de la vendre aux enchères publiques l’ensemble des biens.
Le preneur à bail, qui considère que l’adjudication amiable, à la différence d’une saisie immobilière, est une modalité de vente résultant d’un libre choix du propriétaire, soumis au droit de préemption de l’article L145-46-1. Le Preneur ajoute, au terme d’une lecture stricte du texte, que les terrains ne doivent pas être considérés dans le cadre d’une cession globale d’un ensemble immobilier, de sorte que le droit de préemption doit également s’appliquer en cas de cession simultanée de l’immeuble donné à bail et des terrains adjacents, seraient-ils exclus de l’assiette de la convention.
La demande est rejetée par la Cour d’appel d’Aix en Provence, qui considère que l’adjudication amiable d’un immeuble échappe au droit de préemption, en ce qu’elle consiste en une vente judiciaire qui, contrairement aux dispositions régissant le droit de préemption du locataire à bail d’habitation, n’est pas mentionnée à l’article L145-46-1. La Cour ajoute que ce texte ne permet pas au locataire à bail d’une partie seulement de la masse immobilière à céder, de bénéficier d’un droit de préemption, les autres immeubles seraient-ils même de simples terrains.
La Cour de cassation partage cette analyse et rejette le pourvoi :
« Mais attendu qu’ayant retenu que la vente aux enchères publiques de l’immeuble, constituant l’actif de la SCI en liquidation, était une vente judiciaire et relevé que la société Jordane n’était locataire que pour partie de l’ensemble immobilier mis en vente, le terrain ayant été donné à bail à d’autres sociétés, la cour d’appel, qui n’avait pas à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, en a à bon droit déduit que les dispositions de l’article L. 145-46-1 du code de commerce n’étaient pas applicables et que la cession globale de l’immeuble ne pouvait donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption par la société Jordane ; »
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats