Un salarié embauché à compter du 2 janvier 2007 dans le cadre d’un contrat à durée déterminée en qualité de Superviseur par une société gérant un centre d’appels, a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 6 avril 2020, et le 11 juin 2010, a saisi le Conseil de Prud’hommes aux fins d’obtenir des dommages et intérêts pour harcèlement moral et la requalification de sa prise d’acte en un licenciement.
Il va être débouté par les premiers juges puis par un arrêt de la Cour d’Appel de Caen, laquelle dans un arrêt confirmatif du 20 décembre 2018, va relever que le salarié s’appuie pour démontrer le harcèlement moral sur les éléments suivants :
De nombreuses attestations des salariés du centre,
Une attestation rédigée par ses soins,
Les auditions de salariés recueillis dans le cadre de plusieurs plaintes pénales,
Des extraits de presse.
Tout en notant que le salarié a tenté de mettre fin à ses jours le 16 octobre 2009 sur son lieu de travail par absorption de médicaments et fait le parallèle avec 3 autres tentatives de suicide.
Cependant la Cour d’Appel va considérer que la lecture des témoignages des salariés ne rapporte aucun fait précis concernant le salarié partie à l’instance, de même que les auditions recueillies par les enquêteurs à la suite des plaintes pénales qui ont toutes fait l’objet d’un classement sans suite par le Procureur de la République, et qu’en outre aucune suite n’a été donnée à la plainte de l’inspection du travail à l’encontre de la société.
La Cour d’Appel considérant que les éléments apportés par le salarié portent sur des considérations trop générales sur les méthodes de gestion du centre d’appels dirigé par la société et ne satisfont donc pas à l’exigence que les agissements de harcèlement moral collectif dénoncés se manifestent pour le salarié déterminé qui s’en prévaut.
Concernant la situation personnelle du salarié, si la Cour relève qu’il a indiqué avoir personnellement subi des changements d’équipe, d’horaires, d’affectations qui ont retenti sur son état de santé, de même qu’il fait état de sa tentative de suicide, de son hospitalisation, de ses arrêts de travail, de sa reprise à mi-temps thérapeutique à compter du 14 décembre 2009, la Cour observe toutefois que l’attestation établie par le salarié n’est rien moins qu’une preuve constituée à lui-même, et que les autres attestations ne permettent pas de vérifier la matérialité d’agissements répétés répondant à la définition du harcèlement moral, outre la non reconnaissance de sa tentative de suicide en accident du travail par la CPAM à l’issue de son enquête.
Au final, la Cour d’Appel considère que ces éléments pris dans leur ensemble ne laissent pas présumer le harcèlement moral dont se plaint le salarié, qu’elle déboute en conséquence de sa demande.
En suite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en cassation.
A l’appui de son pourvoi, il reproche à l’arrêt d’appel de ne pas avoir examiné l’ensemble des éléments invoqués afin d’apprécier si les faits matériellement établis pris dans leur ensemble, y compris les documents médicaux, permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral.
Bien lui en prit, puisque la Chambre Sociale de la Haute Cour, relevant que pour débouter le salarié de ses demandes au titre du harcèlement moral, la Cour d’Appel a retenu que les éléments apportés par ce dernier portaient sur des considérations trop générales concernant les méthodes de gestion du centre d’appels dirigé par la société et que les agissements de harcèlement moral collectifs dénoncés, ne s’étaient pas manifestés personnellement pour le salarié déterminé qui s’en prévalait,
ceci alors qu’elle avait relevé que plusieurs salariés témoignaient d’une part, de pressions en matière d’objectifs, exercées contre l’ensemble des salariés, par une organisation très hiérarchisée du directeur de site et qui se traduisait par une surveillance des prestations décrites comme du « flicage » et d’autre part, une analyse de leurs prestations que les salariés ressentaient comme une souffrance au travail, la Cour d’Appel a violé les dispositions de l’article L1152-1 et L1154-1 du Code du Travail.
Par suite, la Chambre Sociale de la Haute Cour casse et annule l’arrêt d’appel.