Bail commercial, mutation d’un bail dérogatoire en bail commercial et renonciation non équivoque du locataire à se prévaloir du statut des baux commerciaux

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

La Cour de cassation juge que le locataire resté dans les locaux et laissé en possession à l’expiration du bail dérogatoire en s’acquittant d’une indemnité d’occupation et non d’un loyer, n’a  pas pour autant renoncé sans équivoque au bénéfice du statut des baux commerciaux.

SOURCE : Cass. civ 3ème, 15 février 2023, n°21-12698, Inédit

Le plus simple est de reprendre la motivation de la Cour de cassation, reprise en substance comme suit au terme de sa décision inédite du 15 février 2023 :

A défaut de caractérisation d’une renonciation non équivoque du locataire à se prévaloir du statut des baux commerciaux, le locataire resté en possession des locaux à l’expiration d’un bail dérogatoire bénéficie d’un nouveau bail commercial soumis au statut des baux commerciaux.

Parmi les éléments factuels pertinents, un bail dérogatoire d’une durée de six mois ayant pris fin le 30 octobre 2004.

La Cour d’appel déboute le locataire de sa demande reconventionnelle au bénéfice du statut des baux commerciaux, aux motifs :

  • Que le paiement des loyers constituant la contrepartie nécessaire pour la naissance d’un bail commercial non dérogatoire et donc soumis au statut, la situation du maintien dans les lieux sans bourse délier, avait manifesté la volonté non équivoque du locataire de ne pas se comporter en tant que locataire commercial ;
  • Que la signature d’un protocole d’accord transactionnel au terme duquel le locataire admettait devoir une certaine somme au titre d’indemnité d’occupation et non de loyers, valait reconnaissance de ce dernier à ne pas se prévaloir du bénéfice d’un bail commercial.

Censure de la Haute juridiction au moyen d’une argumentation imparable :

D’une part, les deux premiers alinéas de l’ancien article L145-15 disposaient que :

« Les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à deux ans [trois ans. A l’expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux (Loi Pinel du 18 juin 2014)].

Si, à l’expiration de cette durée [et au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance (Loi Pinel du 18 juin 2014)], le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre ».

D’autre part, la jurisprudence considère de longue date, que la renonciation par le titulaire d’un bail dérogatoire resté dans les locaux à se prévaloir du statut des baux commerciaux doit être non équivoque.

Le locataire était resté dans les locaux et avait été laissé en possession à l’expiration du bail dérogatoire en s’acquittant d’une indemnité d’occupation n’avait pas renoncé sans équivoque au bénéfice du statut des baux commerciaux.

La décision peut paraître sévère pour le bailleur. En réalité, elle n’est que l’illustration de la sanction attachée à son inertie caractérisée par l’absence de renonciation certaine et non équivoque, laquelle est souvent interprétée en sa défaveur et soumise à l’arbitraire du juge.

Ainsi, il appartient au bailleur souhaitant échapper au mécanisme de l’article L145-5 du Code de commerce, de manifester avant la date contractuelle d’expiration du bail, sa volonté de ne pas poursuivre sa relation contractuelle avec le locataire, la charge de la preuve de cette manifestation lui incombant, aucune clause du bail ne pouvant avoir pour effet de dispenser le bailleur de faire connaître au preneur son opposition à son maintien dans les lieux en cours d’exécution du bail[1]

Le bailleur doit par exemple, dans le délai d’un mois suivant la fin du bail dérogatoire recourir à un commandement de quitter les lieux, une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou encore assigner en référé son locataire aux fins d’expulsion.


[1] Cass. civ 3ème, 4 mai 2010, n°09-11840, Inédit

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