Aux termes d’un arrêt du 29 juin 2023 voué à une large publication et pour la première fois à notre connaissance, la troisième chambre civile de la Cour de cassation pose clairement le principe d’une exclusion des locaux à usage industriel, du champ d’application du droit de préemption du locataire commercial prévu à l’article L145-46-1 du Code de commerce. La Haute juridiction définit par la même occasion la notion de local usage industriel.
SOURCE : Cass. civ 3ème, 29 juin 2023, n°22-16034, FS – B
Si l’exclusion des locaux à usage industriel du champ d’application de l’article L145-46-1 du Code de commerce, clairement affirmé par la Cour de cassation dans l’arrêt commenté, n’est guère surprenant au regard d’une lecture combinée du texte susvisé et du champ d’application du droit des baux commerciaux (article L145-1 du Code de commerce), son absence de définition légale et de surcroit jurisprudentielle péchait en pratique : quelle définition donner au local à usage industriel ?
Pour mémoire et en substance, le texte dispose que lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire.
L’article L145-1 du Code de commerce pose quant à lui les quatre grands principes du champ d’application du statut des baux commerciaux :
- Un contrat de bail ordinaire ;
- Qui porte sur un local ou un immeuble ;
- Dans lequel est exploité un fonds commercial ou artisanal ;
- Exploité par un commerçant ou un artisan immatriculé au Registre du Commerce et des Sociétés ou au Répertoire des Métiers
La Cour affirme expressément aux termes d’une motivation soignée, l’exclusion des locaux à usage industriel du champ d’application du droit de préemption instauré par la loi Pinel au profit du locataire.
Le principal apport doctrinal de l’arrêt réside dans la définition prétorienne donnée à la notion de local à usage industriel. A cette occasion, la Haute juridiction de l’ordre judiciaire fait sienne la définition donnée par le juge administratif, statuant en matière fiscale, et transpose à la matière civile, les critères dégagés par le Conseil d’État[1] :
« Ont un caractère industriel les entreprises exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mise en œuvre est prépondérant ».
La Cour juge que les critères sont opérants au regard de l’article L145-46-1 pour délimiter la portée de l’exclusion des locaux à usage industriel du droit de préférence.
La Cour relève en l’espèce que l’activité du locataire consistait en la fabrication d’agglomérés et que l’extrait du RCS du locataire mentionnait les activités de « pré-fabrication de tous éléments de construction à base de terre cuite plancher murs et autres », ainsi que « fabrication de hourdis, blocs et pavés béton ». D’autre part, l’activité de négoce exercée n’était qu’accessoire. Partant, l’activité exercée sur site s’analysait en une activité industrielle
Le pourvoi du locataire tendant à voir annuler la vente des locaux est en conséquence rejeté.
[1] CE, 28 février 2007, n°283441 – CE, 13 juin 2016, n°380490 et CE, 3 juillet 2015, n°369851