SOURCE : Cour d’appel de Paris, 2 février 2022, n°20/14673, Société Galliéni Nanterre c/ Société Pinon
I –
Conformément à une tendance générale du droit immobilier, il faut prendre garde au renforcement des obligations d’information du bailleur commercial, principalement par la Loi portant engagement national pour l’environnement du 12 juillet 2010, dite loi Grenelle 2 : la loi impose au bailleur de fournir au locataire lors de la conclusion du bail, et donc lors du renouvellement, un certain nombre de renseignements sur l’état de l’immeuble, principalement d’ordre environnemental, comme l’état des risques naturels, miniers et technologiques.
Il s’agit d’un pré-imprimé-type qui mentionne le classement de l’immeuble par rapport à des risques tels que la sismicité, les inondations les mouvements de terrain, les sites SEVESO, etc…
L’article L125-5 du Code de l’environnement a intégré expressément le bail commercial dans le domaine de cette obligation d’information :
« (…)
― En cas de mise en location de l’immeuble, l’état des risques naturels et technologiques est fourni au nouveau locataire dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article 3-3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
L’état des risques naturels et technologiques, fourni par le bailleur, est joint aux baux commerciaux mentionnés aux articles L. 145-1 et L. 145-2 du code de commerce.
― En cas de non-respect des dispositions du présent article, l’acquéreur ou le locataire peut poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix.
(…) ».
L’article R125-6 du même Code dispose que cet état doit être établi moins de six mois avant la conclusion du contrat de bail écrit auquel il est annexé.
II –
Dans le présent litige soumis à la Cour d’appel, un locataire poursuivi par un bailleur en paiement des loyers commerciaux, invoque au visa des textes précités, l’absence de communication d’un état des risques naturels et technologiques de moins de six mois par le bailleur pour solliciter la résolution du contrat aux torts du bailleur ab initio ; ce qu’il obtient puisque la Cour d’appel de Paris juge que l’état des risques communiqué par le bailleur est ancien de plus de six mois avant la conclusion du bail. Il résulte que le preneur était en droit de poursuivre la résolution du contrat, sans voir à justifier d’un quelconque préjudice : conséquence, la résolution a pour effet d’anéantir le contrat ab initio (dès la conclusion du bail), de sorte que les loyers demandés ne sont pas dus, outre le dépôt de garantie qui doit être remboursé.
III –
Cette solution, a fortiori d’une Cour d’appel, doit cependant être prise avec du recul, les juridictions n’appliquant pas la sanction prévue à l’article L125-5 du Code de commerce avec la même sévérité.
En effet, certains juges du fond estiment qu’il ne suffit pas au locataire d’invoquer l’absence d’état des risques pour obtenir automatiquement une diminution du loyer ou la résolution du bail, mais qu’il doit en outre prouver que ce manquement et suffisamment grave ou crée un préjudice au détriment du locataire[1].
A l’inverse, la Cour d’appel de Colmar avait résilié un bail commercial sans que le preneur n’ait à justifier d’un préjudice, au motif que n’était pas annexé de plan de prévention des risques technologique, ni de plan de prévention des risques naturels prévisible, alors que le bien était situé dans une zone soumise à un plan de prévention des risques inondation[2]
Statuant en l’espèce sur renvoi après cassation, la Cour d’appel de Paris se prononce ici clairement en faveur du locataire comme l’avait fait avant elle la Cour d’appel de Versailles[3] qui avait jugé que le bailleur avait manqué à son devoir d’information en n’annexant pas au contrat de bail l’état des risques naturels et technologiques de la zone de moins de six mois. La Haute juridiction avait censuré l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles pour défaut de base légale, au motif que cette dernière n’avait pas recherché si le manquement imputé au bailleur était d’une gravité suffisante, pour justifier la résiliation du contrat de location[4].
En se prononçant dans un sens similaire à la décision censurée, la Cour d’appel de Paris semble donc résister à la jurisprudence de la Cour de cassation, reste à savoir si la décision fera l’objet d’un nouveau pourvoi en cassation.
Quoi qu’il en soit, CHRONOS ne peut qu’inciter vivement les bailleurs à communiquer lors de la conclusion d’un bail commercial (y compris de renouvellement) un état des risques et pollutions daté de moins de six moins, outre les autres diagnostics d’ordre environnemental : Diagnostic de performance énergétique, Diagnostic technique amiante, annexe environnementale pour les locaux d’une superficie supérieure à 2 000 m².
[1] En ce sens, Cour d’appel de Nîmes, 24 mai 2012, n°11/02158 ou encore Cour d’appel de Toulouse, 7 mars 2021, n°18/04865
[2] Cour d’appel de Colmar, 15 juin 2020, n°18/01053
[3] Cour d’appel de Versailles, 15 janvier 2019, n°16/07715
[4] Cass civ 3ème, 10 septembre 2020, n°19-13760, Inédit