Bail commercial, défaut d’immatriculation et dénégation du droit au renouvellement

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

Il ressort des articles L145-1 et L145-8 du Code de commerce, que le bénéfice du droit au renouvellement du bail commercial est conditionné par l’immatriculation du preneur au RCS, que cette immatriculation doit s’apprécier local par local, être effectuée à l’adresse des lieux loués, et que le preneur doit être immatriculé à la date de délivrance du congé, la preuve de ces éléments incombant au preneur qui souhaite bénéficier du droit au statut.

SOURCE : CA PARIS, Ch. 5-3, 4 avril 2024, n°21/14780

I – Le droit au renouvellement du bail

La propriétaire commerciale pose en toile de fond, deux principes fondamentaux du statut des baux commerciaux : le droit au renouvellement du bail, et son corollaire le droit au paiement d’une indemnité d’éviction en cas de non renouvellement du bail.

Le droit au renouvellement n’existe que pour autant que le locataire respecte les conditions stricto sensu du droit au renouvellement (conditions cumulatives) :

  1. Le locataire doit être propriétaire d’un fonds de commerce ou d’un fonds artisanal ;
  2. Le fonds doit avoir été exploité pendant les trois dernières années du bail ;
  3. Le locataire doit être immatriculé au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) ou au Répertoire des Métiers (RM)

A défaut, le locataire s’expose à la délivrance d’un congé-dénégation du droit au renouvellement.

La condition relative à l’immatriculation du locataire, s’apprécie à deux dates-clés :

  • La date du congé du bailleur ou de la demande de renouvellement du preneur (date de l’acte qui met fin au bail) ;
  • La date d’effet du congé ou de la demande de renouvellement (date d’effet de l’acte)[1]

En outre, l’immatriculation est exigée pour chaque fonds de commerce (et non le seul siège social), c’est-à-dire pour chaque magasin s’agissant d’une entreprise succursaliste[2], et pour l’activité même qui est exercée dans les lieux[3].

II – Illustration jurisprudentielle : CA PARIS, Ch. 5-3, 4 avril 2024

A la base du contentieux déféré devant la Cour d’appel de PARIS, un congé-dénégation pour défaut d’immatriculation au RCS pour le terme du bail, est signifié au locataire qui conteste la validité de l’acte.

Le jugement déboute le locataire de ses demandes, qui interjette appel du jugement.

Tout d’abord, la Cour relève qu’aux termes des articles L145-1 et L145-8 du Code de commerce, le droit au renouvellement du bail commercial est conditionné par l’immatriculation du preneur au RCS, cette immatriculation devant s’apprécier local par local, être effectuée à l’adresse des lieux loués, et que le locataire doit être immatriculé à la date de délivrance du congé, la preuve de ces éléments incombant au locataire s’il veut bénéficier du droit au statut.

Par ailleurs, et en cas de pluralité d’établissements exploités par une même personne physique ou morale, le commerçant doit être immatriculé pour son établissement principal et inscrit en complément pour chacun des établissements secondaires.

Il est notable de relever que l’argument du preneur tiré d’une unité d’exploitation entre son siège social et les locaux litigieux, rendant inutile leur immatriculation – les locaux étant distants d’une centaine de mètres – est rejeté par la Cour, aucun élément n’établissant que l’activité exercée au sein des locaux litigieux formerait un seul espace, et une unité ou complémentarité d’activité avec celle du siège social.

Le preneur n’étant pas immatriculé à la date du congé n’a pas droit au renouvellement de son bail, ni au paiement d’une indemnité d’éviction, et est débiteur d’une indemnité d’occupation à compter de la date d’effet du congé.

NB : La dénégation est une arme redouble pour le bailleur qui peut dénier au locataire le droit au renouvellement de son bail, tant qu’une décision définitive n’a pas été rendue sur la fixation du loyer de renouvellement ou de l’indemnité d’éviction[4], même s’il était informé du défaut d’immatriculation du locataire à la date du congé ou de la demande de renouvellement[5]


[1] En ce sens, Cass. civ 3ème, 18 mai 2005,  04-11985, FS – PB

[2] En ce sens, Cass. civ 3ème, 4 juillet 2012, n°11-13868, FS – PB  et Cass. civ 3ème, 8 septembre 2016, n°15-17879, Inédit

[3] En ce sens, Cass. civ 3ème, 22 septembre 2016, n°15-18456, FS – PB

[4] En ce sens, Cass. civ 3ème, 7 septembre 2017, n°16-15012, FS – P+B+R+I et Cass. civ 3ème, 20 avril 2023, n°22-12937, Inédit

 

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