Bail commercial, comportement du preneur et refus du renouvellement pour motifs graves et légitimes

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

Dans son arrêt du 14 septembre 2023, la Cour d’appel de ROUEN juge qu’est de nature à justifier le non renouvellement du bail sans versement d’une indemnité d’éviction, selon les modalités prévues à l’article L145-17 du Code de commerce, le non-respect du règlement de copropriété pendant plusieurs mois par un locataire qui en outre, s’est rendu coupable d’actes violents envers la personne du bailleur personne physique.

SOURCE : CA ROUEN, 14 septembre 2023, n°21/04099

Dans un arrêt du 14 septembre 2023, la Cour d’appel de ROUEN a été amenée à se prononcer sur la recevabilité d’un congé avec refus de renouvellement et refus de paiement d’une indemnité d’éviction corrélative, délivré le 29 septembre 2020 et à effet au 31 mars 2021.

I – Les griefs des bailleurs

Parmi les griefs portés au débit du locataire, dénoncés préalablement comme le prévoit l’article L145-17, I, 1° du C.com, par acte extrajudiciaire daté du 4 août 2020, figuraient :

  • La remise en peinture de la devanture du magasin conformément aux stipulations du bail ;
  • La remise en place d’un store sur le mur de la devanture ;
  • La dépose d’un climatiseur posé sur un mur extérieure, et la remise en l’état du mur ;
  • Le délaissement du sous-sol ;
  • Le non-stationnement du véhicule dans la Cour ;
  • L’accès libre du bailleur au local loué, accompagné si nécessaire des entrepreneurs de son choix pour la réalisation de travaux ;
  • La cessation des actes de harcèlement, propos insultants et provoquants à l’égard du bailleur ;
  • Le respect de la date du 1er de chaque mois pour le règlement du loyer et charges, et le paiement par virement ;
  • La justification spontanément une fois par an, dans les délais contractuels de l’assurance du local et du ramonage de la chaudière, et non pas sur relance du bailleur.

Au titre des motifs légitimant le refus du renouvellement sans indemnité d’éviction, et non corrigés en dépit de la mise en demeure signifiée, figuraient :

  • L’occupation indue du sous-sol ;
  • La réalisation de travaux sans autorisation du bailleur, dont le bailleur demandait la remise en état ;
  • Le stationnement systématique et quotidien dans la cour commune du responsable du magasin au mépris du règlement de copropriété ;
  • Le refus d’accès au magasin opposé au bailleur et aux entreprises mandatées par pour la réalisation des travaux ;
  • Des actes de harcèlement et de violence à l’encontre du bailleur ;
  • Le défaut de règlement du loyer et des charges aux modalités contractuellement convenues ;
  • Le défaut de justification spontanée d’une assurance et du ramonage de la chaudière ;
  • L’absence d’entretien des locaux.

II – Sur l’examen par la Cour, des motifs invoqués par les bailleurs

La Cour s’est ensuite livrée à une appréciation de chacun des motifs invoqués par les bailleurs dans le congé litigieux : Exit l’occupation du sous-sol, l’ouverture de la porte vitrée (non mentionnée dans le congé), le refus d’accès aux locaux, l’absence d’entretien des locaux, la dépose du store de la devanture,  le défaut de règlement du loyer et des charges, le défaut de justification spontanée d’une assurance et du ramonage de la chaudière, la pose du climatiseur.

En revanche, la Cour fait droit à deux des motifs invoqués par les bailleurs :

  • Le stationnement dans la cour commune du véhicule du responsable du magasin.

Le stationnement dans la cour commune au mépris du règlement de copropriété et a fortiori du bail qui dispose que « le preneur devra se conformer aux dispositions du règlement de copropriété ». Le locataire qui ne pouvait en méconnaitre son contenu, a persisté à se maintenir, en violation avec les stipulations du bail, sur l’emplacement litigieux, malgré les mises en demeure du syndic et du bailleur.

L’infraction qui s’est poursuivie plusieurs mois, et qui a occasionné une gêne tangible aux autres occupants des lieux, a été pour la Cour de nature à exposer le bailleur à une action intentée par les copropriétaires, constitutive d’un motif grave et légitime de congé sans indemnité d’éviction.

  • Les faits de harcèlement et de violence à l’encontre de l’un des bailleurs personnes physiques.

La Cour rappelle que les fautes extra contractuelles tenant au comportement du preneur peuvent être retenues comme motif légitime du congé dès lors qu’elles revêtent un caractère suffisamment grave et qu’elles ont un lien suffisant avec l’exécution du bail. Il en est ainsi des violences physiques et verbales exercées par le locataire sur un bailleur ou ses proches.

La Cour ajoute que les fait survenus postérieurement au congé peuvent être invoqués par le bailleur pour conforter le congé précédent.

En l’espèce, il ressort des pièces versées au débat (dépôt de plainte, attestations de témoins, rapport d’expertise) que les bailleurs caractérisent l’existence d’un comportement agressif du locataire à leur encontre ainsi que de leurs proches (« menaces de mort », « posture menaçante », « comportement agressif »), que la simple existence d’un différend sur l’état des lieux loués ne suffit pas à justifier.

III – Solution

Dans ces conditions, après avoir relevé que les faits de violence et l’occupation de la cour commune de la copropriété sans occupation pendant plusieurs mois, étaient à eux seuls d’une gravité suffisante pour justifier le congé sans indemnité d’éviction, la Cour fait droit à la demande des bailleurs en constatant que le bail a été résilié par l’effet du congé, et en ordonnant par conséquent l’expulsion du locataire.

Cet arrêt de Cour d’appel, illustre à nouveau la distinction opérée par la jurisprudence quant aux motifs retenus pour justifier le congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction : D’une part, les motifs liés à l’exécution du bail (par exemple, le défaut de respect du règlement de copropriété), et d’autre part les motifs extra contractuels (par exemple, les violences exercées par le locataire sur le bailleur personne physique).

Enfin, la Cour précise que seuls peuvent être invoqués contre le locataire des manquements qu’il a lui-même perpétrés, à l’exclusion de ceux de son prédécesseur, et que sont assimilés au locataire sortant les membres de sa famille, préposés, sous-locataires, locataire-gérant ou copreneur.

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