La présence d’une clause de nivellement au profit du bailleur (remise des locaux ou non dans leur état primitif), ne saurait priver le preneur de son droit à être indemnisé pour les constructions qu’il a édifiées sur le terrain loué objet d’une préemption d’une personne publique (commune), dès lors qu’à la date de l’éviction anticipée définitive du locataire, celui-ci était toujours propriétaire des constructions litigieuses.
SOURCE : Cass. civ 3ème, 23 novembre 2023, n°22-20866, FS – B
Aux termes d’un arrêt rendu le 23 novembre 2023, publié, la troisième chambre civile juge que la résiliation anticipée d’un bail commercial consécutivement à une opération d’aménagement ne prive pas le preneur de son droit à être indemnisé pour les constructions qu’il a édifiées sur le terrain loué, même en présence d’une clause de nivellement applicable en fin de bail.
Dans l’espèce à l’origine du présent arrêt de rejet, une commune avait acquis par voie de préemption, deux terrains sur lesquels des locataires avaient édifié des bâtiments, dans le but d’y réaliser une opération d’aménagement nécessitant l’éviction des locataires.
Une première décision avait alloué aux locataires outre une indemnité principale, une indemnité au titre de la perte des constructions édifiées.
La commune avait contesté judiciairement la seconde indemnité, aux motifs que l’indemnité d’éviction ne pouvait couvrir le préjudice résultant de la perte de propriété de l’immeuble, ayant vocation à être détruit ou à intégrer le patrimoine du bailleur en fin de bail.
La Cour de cassation rejette d’un revers de manche l’argumentation opposée par la commune requérante : le locataire évincé a le droit à l’indemnisation des constructions qu’il a édifiées sur le bien loué, même en présence d’une clause de nivellement applicable en fin de bail, dès lors qu’à la date de l’éviction anticipée définitive du locataire pour cause d’utilité publique, celui-ci était propriétaire des constructions litigieuses.
L’indemnisation s’appréciant à la date de l’éviction, date à laquelle le locataire étant encore propriétaire des constructions litigieuses édifiées sur le terrain loué, ce dernier pouvait bien prétendre à une indemnisation comprenant, outre la valeur du droit au bail, celle des constructions édifiées sur le terrain préempté.
La circonstance selon laquelle le locataire allait de toute manière perdre en fin de bail la propriété des constructions, est rejetée.
La solution n’est pas nouvelle. Elle a déjà été admise par la Haute juridiction dans un arrêt du 5 janvier 2012 (Cass. civ 3ème, 5 janvier 2012, n°10-26965, FS – PB) en présence d’une clause d’accession des travaux effectués par le locataire au profit du bailleur, en fin de bail.