Action fondée sur un manquement a l’obligation de sécurité visant à réparer un préjudice d’anxiété

Patricia VIANE CAUVAIN
Patricia VIANE CAUVAIN - Avocat

Source : Cass Soc 13/10/2021 n° 20-16585

 

La jurisprudence de la Cour de Cassation relative au préjudice d’anxiété a fait l’objet d’évolutions constantes depuis l’arrêt de principe du 11 mai  2010 consacrant la possibilité pour les salariés bénéficiaires de l’ACAATA  d’obtenir réparation de leur préjudice spécifique d’anxiété; cette évolution a permis aux salariés exposés à des substances toxiques ou nocives d’obtenir réparation de leur préjudice d’anxiété sur le fondement des règles de droit commun et sous certaines conditions.

 

L’arrêt visé  ci-dessus est une illustration de la position de la Cour de Cassation s’agissant de la preuve du préjudice subi  devant être apportée par les salariés agissant sur le fondement du droit commun..

 

Des salariés poursuivent  leur employeur en réparation de leur préjudice d’anxiété liés à une exposition à l’amiante et au benzène

 

La Cour d’Appel fait droit à leurs demandes ; elle juge que le préjudice d’anxiété résulte de l’attestation d’une exposition à destination des salariés , lesquels ont été informés à cette occasion de la possibilité de mise en œuvre d’un suivi particulier si les salariés le souhaitent , que les salariés justifient d’une inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante avec le risque d’une pathologie grave pouvant être la cause de leur décès.

 

La Cour d’Appel aligne donc le régime probatoire du préjudice sur celui s’appliquant aux salariés bénéficiaires de l’ACAATA.

 

La société forme un pourvoi en cassation, et invoque que les salariés qui sollicitent l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété doivent  justifier d’éléments personnels et circonstanciés, celui-ci ne pouvant se déduire de la seule exposition à un agent nocif.

 

La Cour de Cassation au visa  des  articles L 4121-1, L 4121-2 du Code du Travail et 1147 du Code civil casse et annule les arrêts rendus par la Cour d’Appel.

 

Elle rappelle qu’en application  des règles de droit commun, les salariés qui justifient d’une exposition à l’amiante ou à une autre substance nocive générant  le risque de développer une maladie grave , peuvent agir contre l’employeur  sur le fondement d’un manquement de celui-ci à son obligation de sécurité.

 

Elle précise clairement que le préjudice d’anxiété ne résulte pas de la seule exposition au risque, confirmant ainsi sa position s’agissant des salariés qui agissent sur le fondement du droit commun.

 

La réparation du préjudice d’anxiété a été réservée dans un premier temps aux salariés victimes d’une exposition à l’amiante dans les établissements classés en tant qu’établissements ayant exposé leurs salariés à l’amiante.

 

Par un arrêt rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, le champ des bénéficiaires a été étendu aux salariés qui ont été exposés à l’amiante sans être pour autant bénéficiaires de l’ACAATA [1].

 

Si les salariés relevant du régime de la cessation anticipée d’activité en application de l’article 41 de la loi 1998-1194 du 23 décembre 1998 bénéficient d’une présomption irréfragable d’exposition à l’amiante et de préjudice , la Cour de cassation a exigé des salariés non bénéficiaires de ce dispositif, non seulement la preuve d’une exposition à l’amiante, mais également la preuve d’un préjudice  personnellement subi résultant du risque élevé de développer une pathologie grave

 

La Cour de Cassation a étendu la réparation  du préjudice d’anxiété aux  autres expositions nocives[2]en application des règles de droit commun et considère qu’en l’absence de preuve du préjudice, la demande de réparation doit être écartée dans ce cas.

 

L’arrêt ci-dessus s’inscrit dans le prolongement de cette jurisprudence.

 

Subsiste ainsi une inégalité entre les bénéficiaires de l’ACAATA et ceux qui agissent sur le fondement du droit commun.

 

[1] Cass. ass. plén. 5-4-2019 n° 18-17.442

 

[2] Cass. soc., 11 septembre 2019, n° 17-26.879,  n° 17-18.311,

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