Abandon de poste et présomption de démission : le décret est sorti !

Judith Ozuch
Judith Ozuch

Le décret sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d’abandon de poste volontaire du salarié a été publié le 17 avril 2023.

Sources : Décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d’abandon de poste volontaire du salarié

L’article L.1237-1-1 du Code du travail créé par la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 – art. 4 dispose que :

« Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.

Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes. L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

Le délai prévu au premier alinéa ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d’Etat. Ce décret détermine les modalités d’application du présent article ».

La présomption de démission attendait son décret d’application. C’est dorénavant chose faite par la création de l’article R. 1237-13 du Code du travail :

« L’employeur qui constate que le salarié a abandonné son poste et entend faire valoir la présomption de démission prévue à l’article L. 1237-1-1 le met en demeure, par lettre recommandée ou par lettre remise en main-propre contre décharge, de justifier son absence et de reprendre son poste.

Dans le cas où le salarié entend se prévaloir auprès de l’employeur d’un motif légitime de nature à faire obstacle à une présomption de démission, tel que, notamment, des raisons médicales, l’exercice du droit de retrait prévu à l’article L. 4131-1, l’exercice du droit de grève prévu à l’article L. 2511-1, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ou la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, le salarié indique le motif qu’il invoque dans la réponse à la mise en demeure précitée.

Le délai mentionné au premier alinéa de l’article L. 1237-1-1 ne peut être inférieur à quinze jours. Ce délai commence à courir à compter de la date de présentation de la mise en demeure prévue au premier alinéa ».

Ainsi, le salarié qui abandonne volontairement son poste sera présumé être démissionnaire s’il ne fait pas suite au courrier de mise en demeure de son employeur (LRAR ou remise en main propre contre décharge) de reprendre son poste et de justifier son absence.

Jusqu’alors, si le salarié restait silencieux à une telle mise en demeure, il était habituellement licencié pour faute grave ou faute. Il percevait donc de son employeur une indemnité de licenciement (hors faute grave), son solde de tout compte (comprenant congés payés, RTT, primes etc) et surtout il avait droit à une allocation retour à l’emploi (ARE) ou « allocation chômage » par l’organisme Pôle emploi dès lors qu’il avait suffisamment cotisé.

A partir de ce décret, dans une telle situation, le salarié percevra son solde de tout compte mais il ne pourra plus prétendre au bénéfice de l’assurance chômage en cas d’abandon de poste volontaire.

Le Code du travail prévoit une liste de motifs permettant de renverser cette présomption de démission par « un motif légitime de nature à faire obstacle à une présomption de démission » :

  • des raisons médicales : on comprend ici la transmission d’un arrêt maladie ;
  • l’exercice du droit de retrait prévu à l’article L. 4131-1 du Code du travail : en cas de constat par le salarié qu’il existe un motif raisonnable de penser qu’une situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection ;
  • l’exercice du droit de grève prévu à l’article L. 2511-1 ;
  • le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ;
  • la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur : on comprend dans cette hypothèse, que la modification serait imposée au salarié ;

Cette liste ne nous semble pas exhaustive dans la mesure où le Code du travail vise un « motif légitime de nature à faire obstacle à une présomption de démission » avant d’en donner des exemples.

Le salarié doit préciser le motif légitime à l’employeur et dispose, pour ce faire, d’un délai qui ne peut pas être inférieur à 15 jours (calendaires) à compter de la date de présentation de la mise en demeure. Ce délai doit être précisé par l’employeur dans la mise en demeure. A défaut d’avoir répondu dans le délai, le salarié doit reprendre son poste de travail ou il pourra être considéré comme étant démissionnaire par son employeur.

On pourra conseiller à l’employeur de préciser dans sa mise en demeure :

  • le délai dans lequel le salarié doit reprendre son poste ;
  • demander la raison de l’absence (non justifiée jusqu’alors) du salarié ;
  • mentionner le délai donné au salarié pour reprendre son poste (qui ne peut pas être inférieur à 15 jours calendaires) à compter de la présentation de la lettre ;
  • rappeler que faute pour le salarié de reprendre son poste ou de justifier de son absence, il sera considéré comme démissionnaire ;
  • préciser que le salarié qui ne reprendrait pas son poste au plus tard à la date fixée est redevable d’un préavis, et prévoir par la même l’organisation de l’exécution de ce préavis.
  • Rappeler que le silence du salarié sur l’organisation de l’éventuel préavis peut constituer de la part du salarié une manifestation de son refus d’exécuter le préavis.

Le seul recours du salarié considéré comme démissionnaire sera la saisine du conseil des prud’hommes pour contester l’application de la présomption de démission.

Le site travail-emploi.gouv.fr propose une liste de questions réponses sur le sujet : https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/la-rupture-du-contrat-de-travail/article/questions-reponses-presomption-de-demission-en-cas-d-abandon-de-poste

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