Procédures collectives et projet de loi PACTE : panorama rapide

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

SOURCE : Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, n° 1088

 

1. La rémunération du dirigeant

 

La rémunération du chef d’entreprise sera en principe maintenue en cas de redressement judiciaire. Aujourd’hui, ce sont les articles L. 631-11 alinéa 1 et son jumeau L. 641-11 du Code de commerce qui traitent la question, en donnant le pouvoir au juge-commissaire de fixer la rémunération de l’entrepreneur, personne physique, ou des dirigeants de la personne morale. Il n’est pas rare en pratique qu’elle soit maintenue.

 

L’article 14 du projet de loi envisage de dissocier le sort de la rémunération selon la procédure ouverte. En liquidation judiciaire, le régime actuel serait conservé. En redressement judiciaire, la rémunération serait maintenue en l’état, au jour de l’ouverture de la procédure, sauf décision contraire du juge-commissaire saisi sur demande de l’administrateur judiciaire ou, s’il n’en a pas été désigné, du mandataire judiciaire, ou du ministère public.

 

La faculté ouverte au débiteur ou aux dirigeants de la personne morale faisant l’objet de la procédure de demander des subsides en l’absence de rémunération serait maintenue dans les deux procédures.

 

Aucun encadrement de la rémunération n’est prévu en cas de sauvegarde, que ce soit par les textes actuels ou le projet de loi.

 

2. Le traitement accéléré des créances fiscales et sociales

 

L’admission au passif des créances fiscales, sociales et AGS est soumise à un régime particulier. Ces créances sont admises à titre provisionnel lorsqu’elles n’ont pas encore fait l’objet d’un titre exécutoire au moment de leur déclaration. A peine de forclusion, leur établissement définitif doit être effectué dans le délai prévu à l’article L 624-1 du Code de commerce, soit dans le délai fixé par le tribunal au mandataire judiciaire pour établir la liste des créances du débiteur sous réserve des procédures judiciaires et administratives en cours (article L 622-24, alinéa 4 du Code de commerce). Toutefois, les créances fiscales pour lesquelles une procédure administrative d’établissement de l’impôt a été mise en œuvre doivent être définitivement établies avant le dépôt au greffe du compte rendu de fin de mission par le mandataire judiciaire (même article) ou par le liquidateur judiciaire (article L 641-3, alinéa 4 du Code de commerce).

 

L’article 18 du projet de loi apporte des aménagements à ce dispositif, qui entreraient en vigueur à compter du 1er janvier 2019, afin que les délais donnés au comptable public pour émettre son titre exécutoire n’entravent pas l’action du mandataire ou du liquidateur judiciaire, et ne rallongent pas à l’excès les délais de la procédure collective.

 

Ainsi il ne serait plus dérogé au délai butoir de l’article L. 624-1 du Code de commerce en cas de procédure administrative d’établissement de l’impôt, mais seulement en cas de procédure de contrôle ou de rectification de l’impôt, solution récemment retenue par la Cour de cassation[1].

 

Dans cette espèce, l’administration fiscale soutenait que tout le processus lui permettant de calculer l’impôt dû par le contribuable, et d’établir le titre exécutoire constituait une procédure administrative d’établissement de l’impôt. La Cour de cassation a censuré cette interprétation extensive, qui aboutissait à faire disparaître, à l’égard de l’administration fiscale, la date butoir constituée par le dépôt de la liste des créances par le mandataire judiciaire.

 

Le projet de loi prévoit d’encadrer également le délai dans lequel un titre exécutoire doit être émis, en dehors des procédures de contrôle et de rectification de l’impôt, en distinguant selon la procédure collective choisie.

 

En cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire, l’établissement définitif des créances admises à titre provisionnel devrait être effectué par l’émission du titre exécutoire dans un délai de douze mois. Le projet de loi ne fixe pas précisément le point de départ de ce délai, celui-ci devant commencer à courir « à compter de la date de publication au Bodacc ». Dans son avis sur le projet, le Conseil d’Etat fait référence à la publication du jugement ouvrant la procédure collective.

 

En cas de liquidation judiciaire, y compris simplifiée, la date butoir pour l’émission du titre exécutoire resterait celle du dépôt de la liste des créances.

 

3. La clause cessionnaire-cédant en bail commercial neutralisée

 

Aujourd’hui, en application des articles L. 622-15 ; L. 631-14 aliéna 1 et L. 641-12 alinéa 5 du code de commerce, lorsque le bail commercial est cédé dans le cadre de la procédure collective du locataire, toute clause rendant le cédant solidaire de l’acquéreur est réputée non écrite. Cette clause a été neutralisée car elle revenait à faire supporter au locataire déjà en difficulté, l’éventuel passif du locataire qui lui succédait.

 

La Cour de cassation était venue préciser, en 2011, que ces dispositions ne faisaient toutefois pas obstacle à l’application de la clause qui rend l’acquéreur du bail garant, avec le locataire, des loyers dus au titre du bail à la date de la cession[2]. Cette clause inversait le mécanisme de garantie puisqu’il concernait les loyers antérieurs, et permettait au bailleur d’échapper aux conséquences financières de la procédure collective de l’ancien locataire.

 

L’article 19 du projet de loi envisage de neutraliser aussi cette clause « inversée », qui serait réputée non écrite. Selon le Gouvernement, cette clause peut en effet constituer un frein à la cession du bail, alors que ce dernier constitue souvent l’un des rares actifs de l’entreprise, notamment pour les PME.

 

Le nouvel article L 642-7 du Code de commerce qui intègrerait cette modification ne concernerait que la cession du bail intervenant dans le cadre d’un plan de cession, pas dans la cadre d’une cession isolée d’actif au cours de la liquidation judiciaire.

 

Elle ne serait pas applicable aux procédures en cours au jour de la publication de la loi

 

4. La liquidation judiciaire simplifiée élargie

 

La liquidation judiciaire simplifiée est applicable aux actifs des entreprises de petite taille n’ayant aucun actif immobilier (articles L 641-2 et suivants du Code de commerce). La procédure est dite simplifiée en ce que :

 

– Elle permet la vente des biens mobiliers de gré à gré ou aux enchères publiques dans les quatre mois de l’ouverture de la procédure (article L 644-2) ;

 

– Elle permet la vérification des seules créances susceptibles de venir en rang utile dans les répartitions et des créances résultant d’un contrat de travail (article L 644-3) ;

 

– La durée de la procédure est limitée à un an sauf prorogation de trois mois maximum (article L 644-5).

 

Aujourd’hui, la liquidation judiciaire simplifiée est :

 

– Obligatoire si l’entreprise débitrice a un chiffre d’affaires hors taxe inférieur ou égal à 300.000 € et si elle a employé un salarié au plus au cours des six mois précédant l’ouverture de la procédure (articles L. 641-2, al. 1 et D. 641-10, al. 1) ;

 

– Facultative si le chiffre d’affaires est supérieur à 300.000 € mais inférieur ou égal à 750.000 € et si le nombre de salariés est compris entre un et cinq (articles L. 641-2-1 et D. 641-10, al. 2).

 

L’article 15 du projet de loi envisage de supprimer les cas où la procédure est facultative. Le Gouvernement souhaite modifier les seuils et faire de la procédure simplifiée la norme pour les PME ayant cinq salariés maximum et réalisant moins de 750.000 € de chiffre d’affaires. Un décret devrait donc modifier les seuils fixés par l’article D 641-10.

 

La durée de la procédure simplifiée serait maintenue à un an pour les entreprises dont le nombre de salariés et le chiffre d’affaires seraient supérieurs à des seuils fixés par décret ; elle serait réduite à six mois en deçà de ces seuils. Le projet de loi ne remet pas en cause la faculté pour le tribunal de proroger la procédure pour une durée limitée à trois mois, ou d’abandonner à tout moment le régime simplifié pour faire application du régime général de la liquidation judiciaire.

 

5. L’ouverture du rétablissement professionnel favorisée

 

Un entrepreneur individuel peut bénéficier d’une procédure de redressement professionnel sans liquidation, afin de solliciter l’effacement de ses dettes professionnelles antérieures (articles L. 645-1 et suivants du Code de commerce). Le bénéfice de cette procédure suppose notamment la réunion des conditions suivantes :

 

– L’entrepreneur est en cessation des paiements et son redressement est manifestement impossible ;

 

– Il n’a employé aucun salarié dans les six derniers mois ;

 

– Son actif déclaré a une valeur inférieure à 5.000 € ; il ne fait pas l’objet d’une procédure collective en cours.

 

L’article 15 du projet de loi prévoit de supprimer cette dernière condition et d’organiser des passerelles entre, d’une part, les procédures de redressement et de liquidation judiciaires et, d’autre part, le rétablissement professionnel.

 

Ainsi le tribunal devrait, avant de statuer sur l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, vérifier si l’entrepreneur répond aux conditions d’ouverture d’un rétablissement professionnel et pourrait, avec l’accord de l’intéressé ouvrir une telle procédure. La même obligation s’imposerait au tribunal qui, après la résolution du plan de sauvegarde ou de redressement en raison de la survenance de la cessation des paiements de l’entrepreneur qui en bénéficie, doit statuer sur la mise en redressement ou la liquidation judiciaire du débiteur. A l’inverse, aucune obligation ne serait faite au tribunal de proposer le rétablissement professionnel lorsque la conversion d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire en liquidation judiciaire est demandée durant la période d’observation (articles L. 622-10 et L. 631-5).

 

6. Une nouvelle mise en conformité avec les règles européennes

 

Le Gouvernement a déjà récemment transposé en droit interne le règlement européen 2015/848 du 20 mai 2015 régissant les procédures d’insolvabilité transfontalières[3]. L’article 64 du projet loi prévoit qu’il serait désormais habilité à aménager, par voie d’ordonnance dans un délai de deux ans suivant la publication de la loi, les modalités d’adoption du plan de sauvegarde selon les axes suivants :

 

– Adoption du plan par des classes de créanciers et non plus par des comités de créanciers et faculté pour le tribunal d’arrêter un plan malgré l’opposition d’une ou plusieurs classes de créanciers ;

 

– Mise en place de garanties destinées à protéger les intérêts de la société débitrice, de ses créanciers et des personnes concernées par le plan ;

 

– Respect des accords de subordination conclus avant l’ouverture de la procédure de sauvegarde.

 

Si le projet de loi vise expressément le seul plan de sauvegarde, le plan de redressement devrait être également concerné puisque ce dernier est, pour l’essentiel, établi selon les mêmes règles que celles prévues en matière de sauvegarde (article L. 631-19, I du Code de commerce).

 

Enfin, dans le cadre plus général d’une réforme des sûretés, le sort de celles-ci en cas de procédure collective du débiteur garanti serait aussi aménagé.

 

A suivre donc.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats


[1] Cass. com. 25 octobre 2017, no16-18.938, F-P+B+I

[2] Cass. com. 27 septembre 2011, n°10-23.539, FS-P+B

[3] Ordonnance n°2017-1519 du 2 novembre 2017 et décret n°2018-452 du 5 juin 2018

 

 

 

 

 

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