Demande de renouvellement : Le silence du bailleur n’entérine pas le loyer proposé à la baisse par le preneur

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 20 octobre 2016, n°15-19940, FS – P+B

 

Un preneur sollicite le renouvellement de son bail, pour un loyer diminué d’environ 20.000 € par rapport au dernier loyer annuel. Le bailleur n’y répond ni dans les trois mois (article L145-10), ni dans les deux ans (article L145-60), conduisant le Preneur à saisir le juge des loyers d’une fixation du loyer de renouvellement au montant proposé.

 

A l’appui de sa demande, le Preneur estime que le Bailleur, devait saisir le juge pour contester le loyer proposé dans la demande de renouvellement, en application des dispositions de l’article L145-11 du Code de commerce :

 

« le bailleur qui, sans être opposé au principe du renouvellement, désire obtenir une modification du prix du bail doit, dans le congé prévu à l’article L. 145-9 ou dans la réponse à la demande de renouvellement prévue à l’article L. 145-10, faire connaître le loyer qu’il propose, faute de quoi le nouveau prix n’est dû qu’à compter de la demande qui en est faite ultérieurement suivant des modalités définies par décret en Conseil d’Etat ; »

 

Un précédent arrêt de la Cour de cassation avait en effet estimé que le bailleur qui acquiesce à la demande de renouvellement du Preneur peut toujours, dans le délai biennal, solliciter judiciairement la fixation du loyer du bail renouvelé[1].

 

Aucune action n’étant intervenue dans les deux ans de la date d’effet de la demande, le preneur en déduis que son cocontractant est irrecevable à contester le montant du loyer de renouvellement, puisque prescrit.

 

Ni la Cour d’appel de Paris, ni la Cour de cassation, ne partageront sa position et considèreront, que le bailleur n’avait aucune obligation de saisir les juridictions mais au contraire, que c’était au preneur de faire valoir sa demande de fixation, désormais prescrite ! Les Juges d’appel, approuvés par la Haute juridiction, fixent en conséquence le loyer de renouvellement au montant du dernier loyer du bail initial.

 

La décision est logique : à l’instar du refus exprès du montant du loyer proposé[2], le silence du destinataire d’une demande de renouvellement ou d’un congé sur le loyer proposé, oblige l’auteur de l’acte, qui souhaite voir fixer le loyer à un montant différent du dernier loyer du bail, à saisir le juge des loyers commerciaux, ou lorsqu’il est compétent, le Tribunal de Grande Instance. En l’occurrence, le preneur ne pouvait pas se prévaloir du silence du bailleur qui, à réception de la demande de renouvellement, avait formulé plusieurs griefs et mises en demeure à son cocontractant, sans se positionner sur la poursuite du bail ni sur le loyer de renouvellement.

 

Cette décision est d’autant plus intéressante au regard de la diminution du loyer de renouvellement consécutive à l’application des dispositions de la loi Pinel. Plus précisément, la loi n°2014-626 du 18 juin 2014, a modifié les dispositions de l’article L145-34 du Code de commerce et interdit désormais de plafonner le montant du loyer de renouvellement par référence à la variation de l’indice ICC. Il en résulte que le loyer de renouvellement des baux indexés à l’ICC est mécaniquement plafonné à un montant inférieur au dernier loyer payé, puisque la variation de l’indice ILC sur neuf ans est globalement moins élevée que celle de l’indice ICC.

 

Il résulte de cette décision que le Preneur doit obtenir l’accord de son cocontractant pour que le loyer de renouvellement, même plafonné selon les dispositions Pinel, soit applicable. Cet accord résultera de la signature d’un nouveau bail ou éventuellement, d’échanges épistolaires sans équivoques. Nous pensons également que l’appel de loyers du bailleur, au montant sollicité par le preneur, doit être considéré comme un accord tacite entérinant, en loyer de renouvellement, le montant proposé.

 

En revanche, lorsque les avis d’échéance du loyer portent sur un loyer dont le montant diffère du loyer proposé dans la demande de renouvellement, la saisine des juridictions, dans le délai biennal, est impérative.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats


 

[1] 3ème civ, 4 mai 2011, n°10-15473

[2] 3ème civ, 1er juillet 1998, n°96-20204

 

 

 

 

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