SOURCE : Cass Soc., 07 décembre 2016, Arrêt n°14-27.232 – (FS-P+B+R)
Une salariée avait été embauchée par une société exploitant plusieurs magasins dans le secteur textile en qualité de vendeuse à compter du 18 octobre 1997.
A compter du 22 mai 2010, la salariée a bénéficié de plusieurs arrêts de travail successifs, liés à un accident de travail.
Lors des visites de reprise des 16 juin et 1er juillet 2011, le médecin du travail a prononcé un avis d’inaptitude définitif, ainsi libellé :
« Inapte définitif au poste de travail. L’état de santé de la salariée ne permet pas d’envisager, ni un aménagement de poste, ni un reclassement dans l’entreprise ».
L’entreprise va néanmoins proposer à la salariée 10 postes de vendeuse sur l’ensemble du territoire national, postes que la salariée va refuser, de sorte qu’elle va faire l’objet d’un licenciement pour impossibilité de reclassement et inaptitude, notifié le 27 octobre 2011.
La salariée ayant saisi le Conseil des Prud’hommes de CLERMONT FERRAND de diverses demandes, cette affaire revient par-devant la Cour d’Appel de RIOM, laquelle, dans un Arrêt du 30 septembre 2014, considérant que s’agissant d’une inaptitude consécutive à un accident du travail, il est incontestable que l’employeur avait l’obligation de consulter les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement de la salariée, dès lors que la mise en place de tels délégués était obligatoire en application de l’article L.2312-2 du Code du Travail.
La Cour relève qu’il résulte que l’élection des délégués du personnel se fait dans le cadre de l’établissement et que celle-ci n’est obligatoire que si l’effectif de 11 salariés et plus est atteint.
Or, le protocole d’accord pour les élections du délégué du personnel signé entre la direction de l’entreprise et les organisations syndicales faisait apparaître que l’établissement de CLERMONT FERRAND, dans lequel travaillait la salariée n’avait qu’un effectif de 7,97 et que seuls les effectifs d’établissements de RILLIEUX et VILLEURBANNE permettaient la mise en place de délégués du personnel.
Dans ces conditions, la Cour d’Appel considère que la salariée ne saurait reprocher à son employeur de ne pas avoir procédé à la consultation des délégués du personnel sur son reclassement et, constatant en outre que l’entreprise lui avait proposé 10 postes de vendeuse sur le territoire national, postes appropriés aux capacités de la salariée et identiques à celui qu’elle occupait précédemment et correspondant à l’avis formulé par le médecin du travail en ce qui concerne son aptitude, la Cour considère que l’employeur a satisfait à l’obligation de reclassement lui incombant et que le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse.
Ensuite de cette décision, la salariée forme un pourvoi en Cassation.
Bien lui en prit puisque la Chambre Sociale, énonce que l’établissement distinct, permettant l’élection de délégués du personnel, se caractérise par le regroupement d’au moins 11 salariés constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptibles de générer des réclamations communes ou spécifiques et travaillant sous la direction d’un représentant du chef d’entreprise, peu important que celui-ci n’ait pas le pouvoir de se prononcer lui-même sur ces réclamations, qu’il en résulte que l’existence d’un établissement distinct ne peut être reconnu que si l’effectif de l’établissement permet la mise en place de délégués du personnel.
Par suite, elle considère que la Cour d’Appel qui a relevé que le site de CLERMONT FERRAND ne pouvait constituer un établissement distinct pour la mise en place de délégués du personnel, alors que les salariés exerçant sur ce site devait nécessairement être rattachés à un établissement au sens des délégués du personnel, ce dont il résultait qu’ils ne pouvaient être privés du droit qu’ils tirent de l’article L.1226-10 du Code du Travail à la consultation des délégués du personnel en cas d’inaptitude, la Cour d’Appel a violé les dispositions légales.
Par suite, la Chambre Sociale casse et annule l’Arrêt d’Appel, seulement en ce qu’il a décidé que l’employeur n’avait pas méconnu à son obligation de reclassement et que le licenciement était fondé.
Il résulte de cette décision que dans toutes les entreprises à établissements multiples, tout licenciement pour inaptitude devra faire l’objet d’une consultation des délégués du personnel, quand bien même l’établissement au sein duquel le salarié travaille ne comporte pas de délégué du personnel en vertu du principe du rattachement à un « établissement » au sens des délégués du personnel.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats