Source : Cass. com., 26 janv. 2016, n°14-20.868, inédit
I – Les faits de l’espèce
Une personne physique s’est rendu caution des engagements d’une société envers une banque, par deux actes sous seing privé. La société a été mise en redressement judiciaire, puis liquidée. La banque s’est tout logiquement retourné contre la caution, et l’a assignée en paiement.
En défense, la caution opposait la nullité des actes de cautionnement, en ce que sa mention manuscrite prévoyait qu’elle s’engageait sur ses revenus ou ses biens et non sur ses revenus et ses biens, modifiant en conséquence le sens et la portée quant à l’assiette du gage de la banque.
Les juges du fond ont été sensibles à cette argumentation, et ont annulé les actes de cautionnement.
II – L’arrêt de rejet
La banque a donc formé un pourvoi en cassation. Pour celle-ci, l’emploi de la conjonction « ou » à la place de la conjonction « et » n’avait pour conséquence que de limiter le gage de la banque aux biens ou aux revenus de la caution, et n’affectait pas la validité du cautionnement.
En d’autres termes, les juges du fond auraient dû rechercher s’il ne s’agissait pas d’une simple erreur matérielle dans la reproduction de la mention manuscrite de l’article L.341-2 du Code de consommation[1], sans incidence sur la connaissance qu’avait la caution de la nature et de la portée de son engagement.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, analysant littéralement la question : la mention manuscrite de la caution, non conforme aux prescriptions légales, doit être comprise telle qu’elle est rédigée, sans autres considérations. Le sens et la portée de l’engagement relatifs à l’assiette de la garantie étant forcément biaisés, les actes de cautionnement ne pouvaient par conséquent qu’être annulés.
III – La portée de la décision
Le formalisme légal du cautionnement par une personne physique au profit d’un débiteur professionnel vise à assurer sa parfaite information quant à la portée de son engagement[2]. Des aménagements rédactionnels peuvent être admis, dès lors qu’ils n’altèrent pas le sens et la portée de l’engagement[3].
Par exemple, n’affectent pas la validité du cautionnement l’omission :
– Des termes « mes biens », le gage du créancier se trouvant limité aux revenus de la caution[4] ;
– Du mot « intérêts », qui a pour seule conséquence de limiter l’étendue du cautionnement au principal de la dette[5] ;
– L’absence de ponctuation et d’accent[6] ;
– L’ajout après l’indication du créancier bénéficiaire de la mention « ou à toute personne qui lui sera substituée en cas de fusion, absorption, scission ou apports d’actifs »[7]
A l’inverse, si le texte ne précise pas la manière d’indiquer la durée de l’engagement de la caution, la mention doit faire référence à une durée d’engagement, ce qui n’est pas le cas d’une formule manuscrite visant des mensualités (lesquelles se réfèrent à un montant) et non des mois. C’est ainsi que la Cour de cassation a annulé l’acte de cautionnement d’un prêt sur lequel la caution avait porté la mention « pour la durée de 108 mensualités », cette formule modifiant le sens et la portée de la mention prévue par la loi[8].
Une attention toute particulière doit donc être portée sur la mention manuscrite du cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel. Les réseaux commerciaux doivent être attentifs à ce formalisme strict, pour éviter la réduction de la garantie, voire son annulation.
Précision importante : La nullité du cautionnement ou de la clause de solidarité ne peut plus être invoquée par la caution après qu’elle a volontairement et en connaissance de cause exécuté son engagement[9].
L’écrit engage bien plus que la parole, et cela est d’autant plus vrai en droit des sûretés !
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même. »
[2] Cass. com., 11 juin 2014, n°13-18.118
[3] Cass. com., 1er oct. 2013, n°12-20.278
[4] Cass. com., 1er oct. 2013, n°12-20.278
[5] Cass. com., 4 nov. 2014, n°13-24.706
[6] Cass. com., 14 juin 2016, n°15-11.106
[7] Cass. com., 27 janv. 2015, n°13-24.778
[8] Cass. com., 26 janv. 2016, n°14-20.202
[9] Cass. com., 5 févr. 2013, n°12-11.720