Les frais exposés pour l’assistance d’un expert conseil de partie lors d’une expertise, lorsqu’ils sont nécessaires à l’établissement des responsabilités et à l’évaluation des préjudices, doivent être supportés par l’auteur du dommage.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 13 novembre 2025, 24-17.408, Inédit
Victime d’un accident médical, une personne sollicitait l’indemnisation des honoraires du médecin conseil qui l’avait assistée lors d’une expertise ordonnée par le juge administratif. Elle demandait la prise en charge de ces frais au titre du poste des « frais divers » (FD), estimant qu’ils étaient directement liés à la survenance du dommage et indispensables à la défense de ses intérêts.
La cour d’appel rejette toutefois cette demande, retenant que la facture litigieuse avait été établie au nom de l’avocat de la victime et non directement à celui de cette dernière, ce qui faisait obstacle, selon elle, à leur indemnisation.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation censure cette analyse. Elle rappelle que les frais d’assistance par un médecin conseil lors d’une expertise, dès lors qu’ils sont nécessaires à l’établissement des responsabilités et à l’indemnisation des préjudices, constituent un élément du préjudice réparable. Peu importe, à cet égard, que la facture ait été adressée à l’avocat de la victime : ce critère formel est indifférent dès lors que les frais ont été exposés dans l’intérêt direct de la victime et en lien causal avec le dommage subi.
La Haute juridiction casse ainsi l’arrêt d’appel pour violation du principe de la réparation intégrale.
La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation consacrant l’autonomie des frais d’assistance à expertise au sein des postes de préjudice indemnisables. De longue date, la Cour juge que ces frais, lorsqu’ils sont rendus nécessaires par le dommage, ne constituent ni des frais de justice ni des frais irrépétibles au sens de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi, la deuxième chambre civile a déjà affirmé que les honoraires du médecin conseil assistant la victime lors des opérations d’expertise constituent un préjudice patrimonial en lien direct avec le fait dommageable, devant être intégralement réparé par le responsable (Cass. 2e civ., 18 décembre 2014, n° 13-25.839). Cette position a été réaffirmée ultérieurement, la Cour précisant que ces frais ne sauraient être assimilés à des dépenses procédurales, mais relèvent de la réparation du dommage lui-même (Cass. 2e civ., 25 janvier 2018, n° 16-25.647).
L’arrêt commenté prolonge cette ligne jurisprudentielle en adoptant une approche résolument substantielle plutôt que formelle. La Cour de cassation écarte toute considération tenant au destinataire de la facture pour se concentrer sur la finalité des frais engagés : dès lors qu’ils ont permis à la victime d’être utilement assistée lors d’une expertise déterminante pour l’évaluation de ses préjudices, leur indemnisation s’impose. Cette solution participe d’une conception exigeante du principe de réparation intégrale, selon laquelle la victime ne doit supporter aucune charge financière résultant de la nécessité de faire établir ses droits. Elle garantit également l’égalité des armes dans le cadre des expertises, en permettant à la victime de recourir à un médecin conseil sans que le coût de cette assistance ne demeure à sa charge.

