Un lot de copropriété à usage d’habitation peut être réaffecté à un usage de débarras en cas de danger avéré

Amandine Roglin

 Cass. 3e civ., 22 mai 2025, n° 23-19.387, n° 274 D

Usage non conforme : le critère du risque l’emporte

Lorsqu’un lot d’une copropriété, bien qu’utilisé de longue date à des fins d’habitation, présente un risque anormal pour la sécurité des occupants, l’assemblée générale des copropriétaires peut interdire cette affectation et en imposer la réaffectation à l’usage initial prévu par le règlement de copropriété, en l’occurrence un débarras.

L’incendie révélateur d’un danger structurel

À la suite d’un incendie dans un immeuble en copropriété, les opérations d’évacuation ont mis en évidence des difficultés d’accès au dernier étage, où certains lots étaient occupés à usage d’habitation. Ces lots étaient pourtant désignés comme « débarras » dans le règlement de copropriété. Bien que certains actes de vente mentionnaient un usage d’habitation, et que cette affectation était ancienne, l’assemblée générale a décidé d’interdire leur usage résidentiel, au vu des conclusions d’expertise sur les risques encourus.

Les copropriétaires contestent la décision

Les propriétaires concernés ont saisi la justice pour obtenir l’annulation de la résolution de l’assemblée, faisant valoir la prescription de l’action, et l’existence d’un usage toléré, voire validé.


La Cour rejette la contestation : le danger justifie la réaffectation

La cour d’appel a écarté l’argument de la prescription, en retenant que le déclenchement du délai ne pouvait courir qu’à compter de la découverte du danger, et non à la date du changement d’usage. Ce n’est donc pas la seule inobservation du règlement qui est en cause, mais la mise en péril de la sécurité des occupants, révélée uniquement par l’incendie.

De plus, la connaissance passive par le syndicat des copropriétaires de l’affectation à l’habitation ne valait pas approbation, faute de décision formelle de validation en assemblée.

La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a également estimé que la décision de réaffectation était proportionnée, dès lors qu’elle visait à préserver l’intégrité de l’immeuble et à garantir la sécurité collective. Elle n’a donc pas porté d’atteinte injustifiée aux droits individuels des copropriétaires.


Fondement légal et absence d’atteinte aux droits fondamentaux

La Cour de cassation souligne enfin que cette décision n’a ni excédé le champ d’intervention de l’assemblée générale, ni méconnu :

  • Les règles de police administrative en matière de logement (issues du Code de la construction et de l’habitation),
  • Les dispositions de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 sur le respect des droits des copropriétaires.

En résumé :

  • Un lot utilisé comme habitation peut être réaffecté à son usage initial (débarras) en cas de danger avéré, notamment pour la sécurité en cas d’incendie.
  • La prescription ne court qu’à compter de la prise de conscience du danger, non du simple changement d’usage.
  • Aucune validation tacite du changement d’affectation ne peut être déduite de la seule tolérance, sans vote formel de l’assemblée.
  • La restriction apportée à l’usage privatif est légitime dès lors qu’elle répond à un impératif de conservation et de sécurité de l’immeuble.
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