Une servitude pour cause d’enclave ne peut être instituée que pour l’usage et l’utilité d’un fonds déterminé et non au profit d’une personne.
Cour de cassation, 19 juin 2025, n° 24-11.456
I –
Le propriétaire d’une parcelle a assigné, en dénégation de servitude et en interdiction de passage sur celle-ci, le propriétaire de plusieurs terrains agricoles voisins ainsi que le preneur à bail rural exploitant plusieurs de ces terrains.
Le propriétaire voisin et le preneur à bail rural ont demandé, à titre reconventionnel, que soit constatée l’existence d’une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle ou, à titre subsidiaire, une servitude légale de passage pour cause d’enclave.
II –
L’arrêt de la Cour d’appel rendu sur renvoi après cassation retient que le propriétaire des terrains agricoles voisins bénéficie d’une servitude légale pour cause d’enclave.
La Cour d’appel retient que ce dernier ne peut pas passer sur le chemin appartenant à une association syndicale autorisée dont il n’est pas membre et que si son locataire avait déjà emprunté ce chemin, la tolérance de passage sur ce chemin n’a pas été maintenue.
Un pourvoi en cassation a été formé.
III –
La Cour de cassation ne suit pas la position de la cour d’appel.
La Haute Juridiction rappelle qu’aux termes de l’article 637 du code civil, une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire.
Et qu’en vertu de l’article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue ou une issue insuffisante est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds.
Or, pour dire que le propriétaire des terrains agricoles voisins bénéficie d’une servitude légale pour cause d‘enclave, l’arrêt retient que ce dernier ne peut pas passer sur le chemin appartenant à une association syndicale autorisée dont il n’est pas membre et que si son locataire a déjà emprunté ce chemin, la tolérance de passage sur ce chemin n’a pas été maintenue.
En statuant ainsi, alors que la servitude pour cause d’enclave ne pouvait être instituée que pour l’usage et l’utilité d’un fonds déterminé et non au profit d’une personne, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
IV –
La Cour de cassation rappelle un principe essentiel en matière de servitude : celle-ci ne bénéficie pas à une personne, mais à un fonds. Conformément à l’article 637 du Code civil, une servitude ne peut être établie que dans l’intérêt d’un fonds, afin d’en permettre l’usage et l’utilité.
En l’espèce, la cour d’appel avait accordé au propriétaire d’un terrain le bénéfice d’une servitude légale de passage sur une parcelle voisine, au motif que l’accès habituellement emprunté, situé sur un chemin appartenant à une association syndicale autorisée, ne lui était plus permis.
La Cour de cassation censure cette décision, reprochant aux juges du fond d’avoir statué en considération de la situation personnelle du propriétaire, sans caractériser l’enclavement réel du fonds.
Or, la servitude pour cause d’enclave ne peut être instituée qu’au profit d’un fonds qui n’a sur la voie publique aucune issue ou une issue insuffisante et non au regard de la situation particulière de son propriétaire.
L’utilité de la servitude doit correspondre au besoin du fonds et non au besoin personnel du propriétaire.