Source : Cour d’appel de VERSAILLES, 18 septembre 2008, n°07-7891
Nous revenons une nouvelle fois vers vous à propos de la notion de rupture brutale de relations commerciales établies.
Lors d’un précédent article, nous avions rendu compte d’une décision assez surprenante, et, à tout le moins, relativement sévère, de la Cour d’appel de PARIS, laquelle, avait jugé, par un arrêt rendu le 29 mai 2008, que le renouvellement à deux reprises de concessions triennales arrivées à terme n’avait pas créé une relation commerciale établie dès lors que le contrat de concession excluait toute possibilité de reconduction tacite laissant penser que la relation était susceptible de se poursuivre pendant un temps, et qu’il en résultait une probabilité insuffisante des éventuels renouvellements successifs[1].
Dans le cas soumis à l’appréciation de la Cour, un fabricant de matériel bureautique n’avait pas renouvelé le contrat de concession à durée déterminée de trois ans qui le liait à un distributeur, et celui-ci avait soutenu que la relation commerciale avait duré au total neuf ans et que le délai de préavis d’un mois ne lui avait pas ménagé un temps suffisant pour organiser le redéploiement de ses activités.
La Cour d’appel de Versailles vient de rendre une décision assez similaire.
Après avoir rappelé que les dispositions sanctionnant la rupture brutale de relations commerciales établies s’appliquent même en l’absence de tout formalisme entourant ces relations, la Cour précise que la preuve de leur caractère stable, suivi et habituel doit néanmoins être rapportée.
La Cour a estimé que tel n’était pas le cas d’une entreprise qui réalisait des prestations d’électricité pour des magasins d’un distributeur depuis plusieurs années, dès lors que ce distributeur lançait systématiquement un appel d’offres avant chaque ouverture de chantier.
Ainsi, le recours à l’appel d’offres priverait les relations commerciales de toute permanence garantie et les placerait dans une situation de précarité ne permettant pas à l’entreprise qui a été plusieurs fois attributaire du marché de considérer que ces relations ont un avenir certain.
Il n’y aurait donc pas lieu de rechercher si la rupture des relations avait présenté un caractère brutal.
La solution paraît particulièrement sévère, au regard notamment de la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation, laquelle, au-delà de la forme, se réfère à la réalité de la relation commerciale et considère notamment celle-ci comme établie lorsqu’elle est fondée sur des contrats successifs[2].
Elle ne manque pas non plus de surprendre si l’on rapproche cette décision d’un arrêt précédemment rendu par la même Cour, le 12 juin 2008[3], au terme duquel elle rappelait que la qualification de relations commerciales établies n’est pas conditionnée par l’existence d’un échange permanent et continu entre les parties. Il s’agissait, au cas d’espèce, d’un négociant en vins qui participait depuis plusieurs années à la Foire de Paris. Ce négociant estimait être la victime d’une rupture brutale de relations commerciales établies. L’organisateur avait soutenu que les parties n’étaient pas dans une relation commerciale établie car la location ponctuelle d’un stand sur un salon ouvert dix jours par an ne pouvait pas être assimilée à un courant d’affaires entre des partenaires économiques.
Philippe DEFAUX
Avocat
[1] Cf CHRONOS SEPTEMBRE 2008 « Rupture brutale de relations commerciales établies ».
[2] Cass. com., 29 janvier 2008, n° 07-12.039 : BRDA 4/08.
[3] CA Versailles, 12 juin 2008, n° 07-1247.