Bail commercial, droit d’option du preneur et prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

En cas d’exercice par le locataire commercial de son droit d’option, le bailleur n’ayant connaissance des faits lui permettant d’agir en paiement de l’indemnité d’occupation, qu’à compter du jour où il est informé de l’exercice par le locataire de son droit d’option, le délai de prescription biennale de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation pour la période ayant précédé l’exercice de ce droit d’option, court à compter de cette date. Lorsque le locataire se maintient dans les lieux après l’exercice de son droit d’option, il est redevable d’une indemnité d’occupation de droit commun soumise à la prescription quinquennale, dont le délai court à compter de cette même date.

Source : Cass. civ 3ème, 16 mars 2023, n°21-19707, FS – B

Le litige soumis à la censure de la Cour de cassation s’inscrit dans un schéma dans lequel un bailleur fait délivrer un congé avec offre de renouvellement avec proposition d’un loyer déplafonné.

Le preneur qui avait accepté le renouvellement aux charges et conditions du bail à renouveler, a exercé son droit d’option.

Le bailleur a contesté le non-renouvellement du bail commercial et a assigné le locataire devant le juge des loyers commerciaux, en fixation du loyer du bail renouvelé, lequel a constaté la résiliation du bail consécutivement à l’exercice par le locataire de son droit d’option.

Le bailleur a assigné postérieurement le locataire en paiement d’une indemnité d’occupation au titre de la période comprise entre la date d’expiration du bail et la restitution des clés. En défense, le locataire a opposé la prescription biennale de l’article L145-60 du Code de commerce.

La Haute juridiction juge dans ses titrages et résumés qui constituent la quintessence de l’apport doctrinal de son arrêt :

« L’indemnité d’occupation, due par un locataire pour la période ayant précédé l’exercice de son droit d’option, trouve son origine dans l’application de l’article L. 145-57 du code de commerce et l’action en paiement de cette indemnité est, comme telle, soumise à la prescription biennale édictée par l’article L. 145-60 de ce code. Cette indemnité d’occupation statutaire, qui, à défaut de convention contraire, doit être fixée à la valeur locative déterminée selon les critères de l’article L. 145-33 du code de commerce, se substitue rétroactivement au loyer dû sur le fondement de l’article L. 145-57 du même code. Il s’ensuit que le bailleur, n’ayant connaissance des faits lui permettant d’agir en paiement de cette indemnité qu’à compter du jour où il est informé de l’exercice par le locataire de son droit d’option, le délai de la prescription biennale ne court qu’à compter de cette date. Par ailleurs, lorsque le locataire se maintient dans les lieux après l’exercice de son droit d’option, il est redevable d’une indemnité d’occupation de droit commun soumise à la prescription quinquennale, dont le délai court à compter de ce même jour ».

Explications

I – La notion de « droit d’option »

Chacune des parties disposent de la faculté d’exercice d’un « droit d’option » en application des dispositions de l’alinéa 2 de l’article L145-57 du Code de commerce. Plus précisément, le texte précité offre aux parties une fois le prix du loyer de renouvellement fixé judiciairement, et en dernier lieu dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision devenue définitive (qui dessaisit les juges du fond), un dernier délai de réflexion soit pour former définitivement le nouveau bail soit pour le refuser.

Le droit d’option n’est qu’une illustration du caractère provisoire attaché à l’acceptation du principe du renouvellement.

Plusieurs conséquences en découlent :

  • Si c’est le bailleur qui exerce son droit d’option, il doit alors au locataire le paiement d’une indemnité d’éviction. Le locataire a droit quant à lui au maintien dans les lieux jusqu’au paiement intégral de l’indemnité d’éviction ;
  • Si c’est le preneur qui exerce son droit d’option, il doit alors restituer les clés au bailleur, et reste redevable d’une indemnité d’occupation égale à la valeur locative depuis l’expiration du bail, puisque le locataire devient rétroactivement occupant sans droit ni titre.

II – Sur la nature de l’indemnité d’occupation en cas d’exercice du droit d’option : statutaire ou de droit commun ?

Pour mémoire, lorsque le bailleur exerce son droit d’option, l’article L145-28 du Code de commerce offre au locataire évincé un droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement intégral de l’indemnité d’éviction. En contrepartie, le locataire est redevable d’une indemnité d’occupation depuis la date d’échéance du bail non renouvelé jusqu’à son départ, « déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation » (alinéa 1 de l’article L145-28 du Code de commerce).

La jurisprudence considère que cette indemnité d’occupation est statutaire et est réglementée par l’article L145-28 du Code de commerce[1].

En revanche, lorsque c’est le locataire qui exerce son droit d’option, la Haute juridiction considère que l’indemnité d’occupation due au titre de la période courue entre la date d’échéance du bail et celle de l’exercice du droit d’option n’était pas une indemnité de droit commun (compensatoire et indemnitaire) mais trouve son origine dans l’application de l’article L145-57 du Code de commerce, et partante soumise à la prescription biennale de l’article L145-60 du même Code[2]

III – L’apport de l’arrêt commenté

L’arrêt commenté du 16 mars 2023 reprend l’apport doctrinal dégagé par l’arrêt du 5 février 2003 : l’indemnité d’occupation due entre la date d’échéance du bail et celle de l’exercice du droit d’option par le locataire, est statutaire et en conséquence soumise au délai de prescription biennale.

En revanche, l’indemnité due dans l’hypothèse d’un maintien du locataire dans les lieux après l’exercice du droit d’option, est soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans.

Le principal apport de l’arrêt commenté a trait au point de départ des délais de prescription, fixé à la date à la laquelle le bailleur a connaissance de l’exercice du droit d’option du locataire, tant pour le passé que pour l’avenir.

Ainsi, au titre de la période ayant précédé l’exercice du droit d’option par le locataire, le délai de prescription biennale ne court qu’à compter du jour où le bailleur est informé de l’exercice par le locataire de son droit d’option. Après l’exercice du droit d’option, le point de départ du délai quinquennal court à compter de la même date, soit à compter du jour où le titulaire du droit à percevoir l’indemnité d’occupation (le bailleur) a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer (cf article 2224 du Code civil).


[1] En ce sens, Cass. civ 3ème, 30 juin 1999, n°96-21449, FS – PB

[2] Cass. civ 3ème, 5 février 2003, n°01-16882, FS – PB

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