Le notaire n’est pas responsable du dommage qui serait survenu même en donnant le conseil omis.

Delphine VISSOL
Delphine VISSOL

  

Source :Cass. 1e civ. 2 juillet 2014 n° 13-17.894 (n° 838 F-PB)

 

Par acte authentique reçu le 14 août 2001 par M. D., notaire, M. et Mme G. ont acquis de M. et Mme L. un ensemble immobilier comprenant une maison d’habitation, des dépendances et des bâtiments et terrains agricoles.

 

Ayant découvert que ces terres avaient été données à bail rural le 23 mai 2000 pour une durée de vingt-cinq ans, alors qu’ils souhaitaient les exploiter personnellement, les acquéreurs ont assigné les vendeurs en annulation de la vente et le notaire en responsabilité professionnelle, lui reprochant de ne pas les avoir informés de l’existence du bail litigieux.

 

Par un arrêt du 21 octobre 2010, devenu irrévocable, une cour d’appel a prononcé :

 

 l’annulation de la vente,

 

 ordonné la restitution du prix de vente,

 

retenu la responsabilité professionnelle du notaire et,

 

 ordonné, avant dire droit, une mesure d’expertise judiciaire afin de « vérifier la réalité et l’étendue des différents postes de préjudice invoqués par les époux G. et ayant pour origine la conclusion de l’acte de vente du 14 août 2001 ».

 

C’est, en l’espèce, ce dernier point qui a posé difficulté dès lors que, statuant après dépôt du rapport d’expertise, la Cour d’appel a alloué aux acquéreurs une somme totale de 730 746,26 euros, venant donc en complément l’annulation de la vente et de la restitution du prix et ce, au titre :

 

 de la perte d’exploitation (651 313 euros),

 

 « du potentiel de plus-value sur le prix d’acquisition de la propriété et de la valeur estimée des vergers » (377 106,26 euros),

 

 « de la perte des points de retraite » (61 446 euros),

 

dont à déduire la somme de 359 119 euros au titre des charges inhérentes,

 

Par cet arrêt du 2 juillet 2014 publié au Bulletin, la Cour casse l’arrêt rendu et, disant n’y avoir lieu à renvoi, déboute les acquéreurs de leur demande en paiement d’une somme de 730 746,26 euros en tant que dirigée contre le notaire considérant :

 

« Attendu, cependant, que la fonction de la responsabilité civile est de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit ;

 

Qu’en statuant comme elle a fait, alors que la faute du notaire consistant seulement en un manquement à son devoir de conseil, les époux G. n’étaient pas fondés à solliciter la réparation d’un manque à gagner et d’une plus-value potentielle au titre d’une opération à laquelle, mieux informés, ils n’auraient pas donné suite, si ce n’est à leurs risques, ce dont il se déduisait que le préjudice allégué était ainsi dépourvu de lien de causalité avec la faute du notaire, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

 

Cet arrêt, rendu au visa des dispositions de l’article 1382 du Code civil, applique donc strictement et légitimement le principe posé par ces dispositions à savoir que le demandeur doit démontrer le lien de causalité existant entre la faute commise, en l’espèce par le notaire, et le préjudice subi, en l’espèce une perte de chance, preuve que les acquéreurs ne rapportaient pas en l’espèce de sorte que ces derniers étaient exclusivement bien fondés, en application de la fonction de la responsabilité civile, à être replacés dans la situation où ils se seraient trouvés si l’acte dommageable ne s’était pas produit, l’annulation de la vente et la restitution du prix étant donc suffisants à les remplir de leurs droits.

 

Delphine VISSOL

Vivaldi-Avocats

 

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