Sources : CA PARIS 15 février 2022 n° 20/08337
I –
Pour mémoire, la garantie d’actif et de passif a pour objet de garantir la sincérité des comptes de référence sur lesquels les parties se sont appuyées pour déterminer le prix de cession des titre d’une société avec, pour conséquence, la mise en jeu, dans les conditions fixées à la garantie, de la responsabilité contractuelle du vendeur, en cas d’accroissement du passif comptabilisé dans les comptes de référence, ou d’une diminution de l’actif net.
Au cas d’espèce, la Cour d’Appel de PARIS avait à juger d’un appel en garantie à propos d’un même litige correspondant :
à une valeur d’actif inférieure à celle comptabilisée dans les comptes de référence et au cas d’espèce, il s’agissait d’acomptes sur salaires indument versés mais qui auraient dû être provisionnés comme irrecouvrables car prescrits ;
une aggravation du passif puisque la procédure introduite par la société aux fins de récupérer ses acomptes a généré des honoraires d’avocat, et une condamnation de la société au paiement des frais et dépens au profit du salarié qui n’avaient pas également été provisionnés dans les comptes de référence.
Evidemment, si tout le monde s’accordait sur l’antériorité du fait générateur (introduction d’une procédure en recouvrement d’une créance déclarée prescrite), les honoraires d’avocat avaient été exposés, pour grande partie, postérieurement à la vente, et c’est en cela que la décision est intéressante à commenter.
II –
La Cour de Cassation a en effet déjà jugé que la créance de frais et dépens a comme fait générateur la décision qui statue sur leur sort[1]. Pour autant, il est constant que la détermination de l’antériorité du passif garanti s’effectue au regard du fait générateur qui a donné naissance à ce passif. Ce fait générateur correspond à l’acte ou au fait juridique qui lui a donné naissance, peu important la date d’exigibilité du passif[2].
Claire dans son principe, cette jurisprudence n’en reste pas moins un obstacle pratique qu’il est parfois difficile à appréhender pour le vendeur et même parfois ses Conseils, puisque le droit prétorien se heurte ici aux règles de la comptabilité et de la fiscalité sur la provision des charges dans les comptes sociaux.
En effet, sur un plan fiscal, la provision pour risque d’échec d’une procédure introduite à l’initiative de la société n’est pas acceptable.
Sur un plan comptable, la solution n’est guère plus satisfaisante puisque (i) il est difficile de prévoir, non pas les frais de procédure, mais les frais irrépétibles qui seront laissés à la charge de la société qui a échoué à convaincre le Juge, de la même manière (ii) qu’il est difficile de prévoir les honoraires que la société devra exposer auprès de son Conseil pour la défense de ses intérêts dans une procédure qui peut s’étaler plusieurs années après la cession.
La seule solution est de procéder à des retraitements extracomptables sur les comptes de référence, permettant de déroger aux normes comptables ou fiscales. Dans le cas commenté, ces comptes de référence retraités, avec une provision possible des frais et dépens et aux honoraires dépens, semblent envisageables avec une certaine dose d’arbitraire.
Cette solution n’est cependant pas toujours aisée à manipuler puisque, la pratique actuelle consiste à déterminer un prix provisoire sur la base d’un actif net estimé par les parties, qui sera ensuite corrigé de la variation à la hausse ou à la baisse de l’actif net apparaissant dans les comptes de référence.
Le passif ainsi majoré par des retraitements extracomptables aux fins de se protéger d’un éventuel recours à la GAP conduit à supporter immédiatement, par une baisse du prix, des frais irrépétibles ou des honoraires d’avocat, alors même que l’issue du procès n’est pas toujours certaine.
Il faut simplement retenir de ce qui précède que la plupart du temps et quels que soient les précautions qui auront été prises par le vendeur et ses Conseils, l’assiette de la garantie comprendra le passif laissé à la charge de la société, auquel s’ajouteront (sauf stipulation contraire) les frais irrépétibles supportés par la société, ainsi que ses honoraires d’avocat payés postérieurement à la cession.
[1] Cass. Com. 12 juin 2022 n° 00-12.289 FS-PB
[2] Pour une application concrète, voir Cass. Com. 11 juillet 2006 n° 04-18.947 ou Cass. Com. 31 mars 2009 n° 08-12.702