Bail commercial, clause résolutoire et obligation d’exploitation continue : dura lex sed lex !

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

SOURCE : Cass. civ. 3ème, 12 janvier 2022, n°20-22562, Inédit

I –

Bien que l’arrêt objet du présent CHRONOS n’ait pas fait les honneurs d’une publication au Bulletin, il concerne une situation assez fréquemment rencontrée en matière de baux commerciaux, à savoir la présence dans le bail commercial d’une clause d’exploitation continue.

A l’instar de la clause stipulant une obligation d’exploitation conforme à la destination du bail, la question se pose de savoir si, en cas de non-respect d’une telle clause, indépendamment des congés annuels, le bailleur pourrait faire délivrer un commandement d’avoir à reprendre l’activité stipulée au bail, dans le but d’obtenir l’acquisition de la clause résolutoire inscrite au bail.

II –

En l’espèce, une SCI a donné à bail commercial des locaux à usage de restaurant. Le bail stipulait que, sauf exceptions prévues par la législation en vigueur, les lieux loués devaient toujours rester ouverts, exploités et achalandés.

Après avoir constaté la fermeture du restaurant, le bailleur a délivré au preneur un commandement de reprendre l’exploitation du fonds, visant la clause résolutoire.

L’activité n’ayant pas repris à l’issue du délai du mois, le bailleur a assigné le locataire en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire du bail.

La Cour d’appel n’a pas été sensible à l’argumentation du bailleur, aux motifs que sa prétention venait à apprécier la durée des congés pris par le preneur au regard de l’exploitation continue, ce qui excédait les pouvoirs du juge des référés, juge de l’urgence et de l’évidence. Manifestement, les juges du fonds se sont retranchés derrière la contestation sérieuse.

Le bailleur fait valoir devant la Haute juridiction :

« Qu’il appartient au juge des référés de constater l’acquisition de la clause résolutoire un mois après la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire, demeuré infructueux ; qu’il s’ensuit que la persistance d’une inexécution contractuelle, un mois après une mise en demeure restée sans effet, prive le juge des référés de tout pouvoir d’appréciation ; qu’en considérant qu’il n’était pas au pouvoir de la juridiction des référés d’apprécier la durée des congés pris au regard de l‘obligation d’exploitation continue, quand le preneur avait manqué à une telle obligation contractuelle expressément sanctionnée par le prononcé d’une clause résolutoire, la Cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil (…) ».

Sensible à cette argumentation, la Haute juridiction, au visa des articles 1134 du code civil (obligation d’exécution de bonne foi des contrats) et L145-41 du code de commerce (acquisition de la clause résolutoire inscrite dans un contrat de bail un mois après la délivrance d’un commandement visant la clause résolutoire demeuré infructueux), juge que la Cour d’appel a violé ces textes dès lors qu’après avoir constaté l’absence de reprise de l’exploitation du fonds un mois après signification du commandement, a refusé la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire.

III –

L’article L145-41 alinéa 1er , sur la mise en œuvre de la clause résolutoire inscrite dans le bail, précise que :

« Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai ».

Mais encore faut-il, pour que la résiliation soit encourue, qu’une clause du bail prévoie expressément cette sanction et l’énonce clairement. Pas d’écrit, pas de sanction !

La Cour de cassation a pu juger, dans un arrêt publié au Bulletin, que devait être cassé l’arrêt qui prononce la résiliation du bail pour défaut d’exploitation du commerce, au motif que c’est une condition de l’application du statut des baux commerciaux, et que l’infraction constitue un manquement grave justifiant la résiliation du bail, alors que de tels motifs ne peuvent entrainer la résiliation du bail en l’absence d’une clause imposant l’exploitation effective et continue du fonds[1].

La décision commentée est juridiquement parfaitement fondée : le commandement visant la clause résolutoire de reprendre l’activité était demeuré infructueux un mois après sa délivrance, le juge des référés, juge de l’évidence, dépourvu dès lors de tout pouvoir d’appréciation, ne pouvait que constater la persistance d’une inexécution contractuelle.

La décision est dure pour le preneur, mais elle est conforme à la jurisprudence rendue en pareille matière. Dura lex sed lex !

[1] Cass. civ 3ème, 10 juin 2009, n°08-14422, FS – PB et Cass. civ 3ème, 10 juin 2009, n°07-18618, FS – PB

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