Cautionnement et prescription de l’action subrogatoire de la caution

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. com., 5 mai 2021, n° 19-14.486, F-P

 

I – Rappel du principe

 

La caution solvens dispose à l’encontre du débiteur d’un recours subrogatoire fondé sur l’article 2306 du code civil : « La caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur ».

 

Ce recours permet ainsi la préservation des accessoires de la créance. Mais il présente également des dangers potentiels, comme l’opposabilité de nombreuses exceptions, la caution peut s’exposer à la prescription de l’obligation garantie, comme l’illustre l’arrêt ci-commenté.

 

II – L’espèce

 

Une banque a consenti deux prêts de 72 000 euros et de 35 000 euros, garantis par un engagement de caution solidaire. La débitrice ayant été défaillante dans l’exécution de ses obligations, la banque a mis en demeure la caution, le 22 juin 2010, qui lui a ensuite payé la somme 63 233,06 euros contre remise d’une quittance subrogative, le 13 décembre 2010. Ayant vainement mis en demeure la débitrice de la rembourser, la caution a assigné cette dernière le 5 décembre 2015.La débitrice ayant été condamnée par les juges d’appel, elle a formé un pourvoi en cassation.

 

III – Le pourvoi.

 

La débitrice soutenait que l’action subrogatoire de la caution était soumise à la prescription applicable à l’action du créancier contre le débiteur. Ainsi, la prescription de l’action subrogatoire commençait à courir au même moment que la prescription de l’action principale. En l’espèce, l’action de la banque était soumise à une prescription quinquennale qui a couru à compter du jour où elle a connu les faits lui permettant d’exercer son recours. Dès lors, en retenant que la prescription de son action subrogatoire n’avait couru qu’à compter de la délivrance de la quittance subrogative, soit le 13 décembre 2010, alors que ce délai avait commencé à courir dès que la banque avait eu connaissance de la défaillance du débiteur, soit le 22 juin 2010 au plus tard, la cour d’appel aurait violé l’article 2306 du Code civil, ensemble l’article 2224 du même code.

 

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles 2224 et 2306 du Code civil. Elle relève que pour déclarer l’action de la caution recevable, l’arrêt d’appel retient que l’action subrogatoire est une action personnelle soumise à une prescription de cinq ans en application de l’article 2224 du Code civil à compter du jour où il a connu les faits lui permettant de l’exercer, soit après le paiement effectué en exécution du contrat de cautionnement, à compter de la date de délivrance de la quittance subrogative, le 13 décembre 2010.

 

Par conséquent, en statuant ainsi, alors que la caution qui est subrogée dans les droits du créancier ne dispose que des actions bénéficiant à celui-ci, de sorte que l’action subrogatoire de la caution contre le débiteur est soumise à la même prescription que celle applicable à l’action du créancier contre le débiteur, laquelle ne commence à courir que du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, la cour d’appel a violé les textes visés.

 

La solution est parfaitement justifiée au regard des effets de la subrogation : celle-ci « transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu’il a payé, la créance et ses accessoires, à l’exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier ». La caution recueille donc la créance telle qu’elle se trouve au moment du paiement effectué par le solvens. La caution n’est pas pour autant démunie dans la mesure où elle peut également exercer un recours personnel à l’encontre du débiteur, sur le fondement de l’article 2305 du code civil, recours personnel cumulable avec le recours subrogatoire.

 

La prochaine réforme du droit des sûretés ne changera en rien cette solution, puisque les dispositions relatives aux recours de la caution seront vraisemblablement reprises en substance.

Partager cet article
Vivaldi Avocats