Enquête sur un harcèlement moral

Patricia VIANE CAUVAIN
Patricia VIANE CAUVAIN - Avocat

Source : Cass. Soc. 17 mars 2021, n°18-25.597

 

En l’espèce, une salariée cadre, responsable trafic, est licenciée pour faute grave pour avoir proféré des insultes à caractère racial et discriminatoire et causé des perturbations graves dans l’entreprise.

 

L’employeur s’est prévalu d’ un audit confié, avec l’accord des délégués du personnel, à une entreprise extérieure spécialisée dans les risques psycho-sociaux.

 

La salariée conteste son licenciement et obtient gain de cause, l’enquête réalisée étant considérée comme un mode de preuve illicite.

 

La Cour d’Appel écarte le compte-rendu de l’enquête motif pris de ce que la salariée n’a pas été préalablement informée ou à tout le moins, entendue par les auditeurs et juge le licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

 

L’employeur forme un pourvoi ; il soutient que l’enquête réalisée dans l’entreprise en vue de recueillir des témoignages après que des faits de harcèlement aient été dénoncés ne constitue pas un mode de preuve illicite

 

Il a missionné un cabinet d’audit afin d’entendre et d’accompagner psychologiquement les salariés après la dénonciation de ces faits de harcèlement moral.

 

La Cour de Cassation censure la Cour d’Appel en énonçant clairement que l’enquête consécutive à la dénonciation de faits de harcèlement ne peut constituer une preuve déloyale ; elle n’est pas soumise aux dispositions de  l’article L1222-4 aux termes duquel «  aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ».

 

Elle rappelle qu’ une preuve déloyale est issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié.

 

Il ne s’agissait pas ici de contrôler à priori  l’activité du salarié ou de le surveiller mais d’entendre des salariés sur des faits dénoncés de harcèlement moral dans le cadre de l’ obligation de sécurité et de prévention de l’employeur .

 

En revanche l’enquête effectuée à des fins de contrôle et de surveillance de l’activité des salariés doit être portée à la connaissance des salariés avant sa mise en œuvre ; le salarié doit être prévenu de l’existence d’un dispositif de surveillance et le CSE consulté : à défaut  les éléments de preuve obtenus grâce à un dispositif de contrôle constituent un mode de preuve déloyal ; la Cour de Cassation l’a rappelé à propos de l’intervention de tiers qui avaient notamment pour mission de contrôler le respect du code de la route par un chauffeur de bus.[1]

 

[1] Cour de Cassation  Soc 18/10/2017 n° 16-16462

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