Le fondement du recours du vendeur – constructeur contre le locateur d’ouvrage à l’origine des désordres.

Marion MABRIEZ
Marion MABRIEZ - Avocat

Source : Arrêt n°343 du 12 novembre 2020 (19-22.376) – Cour de Cassation – Troisième Chambre Civile

 

I –

 

Dans cette affaire, des particuliers ont vendu à des acquéreurs leur immeuble à usage d’habitation qu’ils avaient fait édifier.

 

Se plaignant de l’apparition de désordres, les acquéreurs ont intenté une action en justice à l‘encontre des vendeurs mais également contre l’assureur du locateur d’ouvrages dont les prestations étaient à l’origine des désordres.

 

Les vendeurs et l’assureur ont été condamnés en première instance in solidum à indemniser les acquéreurs au titre de la réparation des désordres affectant l’immeuble ainsi qu’au titre du trouble de jouissance.

 

Les vendeurs ont appelé en garantie l’assureur du locateur d’ouvrage.

 

II –

 

Les juges d’appel ont condamné l’assureur à garantir les vendeurs.

 

Le débat portait sur la recevabilité de l’appel en garantie des vendeurs à I’encontre de l’assureur.

 

Selon la Cour, les vendeurs sont recevables à agir à l’encontre de l’assureur dès lors qu’ils ont été condamnés à indemniser leurs acquéreurs sur le fondement de l’article 1792-1 2° du Code Civil, en qualité de constructeurs et non de maîtres de l’ouvrage, qualité qu’ils ont perdue par la vente de celui-ci, et qu’ils agissent comme constructeurs contre I’assureur de l’entreprise qui avait réalisé la maçonnerie.

 

D’après les juges d’appel, dès lors qu’un contrat avait été régularisé entre le locateur d’ouvrage et les vendeurs, le recours en garantie exercé par les vendeurs contre l’assureur est fondé sur la responsabilité de droit commun.

 

Un pourvoi en cassation a été formé par l’assureur, ce dernier soutenant que les dommages qui relèvent d’une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

 

Seule la responsabilité décennale trouvait à s’appliquer et les vendeurs étaient donc forclos à agir à l’encontre de l’assureur.

 

III –

 

La Cour de Cassation a suivi le raisonnement de la société d’assurance en rédigeant un arrêt pédagogique.

 

Après avoir rappelé les dispositions de l’article 1792 du Code Civil, la Cour rappelle que malgré la vente de I’immeuble, le maître d’ouvrage ne perd pas la faculté d’exercer une action en responsabilité décennale s’il dispose d’un intérêt direct et certain, ce qui est le cas en I’espèce, le vendeur ayant été condamnée à réparer les désordres affectant l’immeuble.

 

En outre, la Cour de Cassation reprend les termes d’une jurisprudence constante et établie de longue date selon laquelle en présence de dommages de nature décennale, une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun à propos de ces dommages n’est pas recevable.

 

Enfin, le délai de la garantie décennale étant un délai d’épreuve, toute action, même récursoire, fondée sur cette garantie ne peut être exercée plus de dix ans après la réception.

 

En ne procédant pas à l’étude des faits de I’espèce et en ne recherchant pas si le vendeur avait un intérêt direct et certain à exercer une action en responsabilité décennale à l’encontre de I’ assureur, la Cour d’appel a méconnu les dispositions de I’article 1792 du Code Civil et n’a pas donné de base légale à sa décision.

Partager cet article