La rupture de crédit ne relève pas de l’article L. 650-1 du code de commerce

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. com., 23 sept. 2020, n° 18-23.221, n° 454 P + B et Cass. com., 23 sept. 2020, n° 19-12.542, n° 458 P + B

 

L’immunité instauré par l’article L. 650-1 du code de commerce est à interpréter de façon stricte : la révocation partielle d’une autorisation de découvert relève de la responsabilité de droit commun, tout comme la dénonciation d’une ouverture de crédit.

 

I – Rappel du texte en question

 

Aux termes de l’article L. 650-1 du Code de commerce : « Lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ».

 

Lorsqu’une procédure collective est ouverte, l’article L. 650-1 du Code de commerce écarte, sauf dans trois cas (fraude, immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur, prise de garanties disproportionnées) la possibilité même de rechercher la responsabilité d’un créancier pour les préjudices subis du fait des concours qu’il a consentis au débiteur soumis à cette procédure. C’est en quelque sorte, une immunité légale accordée à ces créanciers, en vue notamment de favoriser le crédit aux entreprises en difficultés.

 

II – Les espèces

 

Les deux arrêts commentés concernent des hypothèses très voisines. Dans la première, il s’agit de la révocation partielle d’une autorisation de découvert, ramenée à un montant moindre par la banque qui l’avait consentie à une société ultérieurement soumise à une procédure collective, les cautions du découvert recherchant la responsabilité de l’établissement de crédit pour cette rupture de crédit.

 

Dans la seconde, était en cause la dénonciation d’une ouverture de crédit accordée à une société mise ensuite en liquidation judiciaire, l’action étant, cette fois, exercée par l’entreprise débitrice et son liquidateur.

 

Les juges du fond ont considéré que le seul fondement en vertu duquel la responsabilité d’un établissement bancaire pouvait être engagée s’inscrivait dans les limites de l’article L. 650-1 du Code de commerce précité.

 

III – Le pourvoi en cassation

 

La Cour de cassation, saisie de la question, casse les deux arrêts rapportés, rendus le même jour, et dans les mêmes termes. Elle précise le champ d’application de l’article L650-1 du Code de commerce, en décidant que l’interdiction qu’il pose ne concerne pas la responsabilité du créancier du fait de la rupture des concours qu’il aurait précédemment accordés, cette responsabilité pouvant alors être jugée dans les conditions du droit commun.

 

Si le soutien abusif est limité à la démonstration de l’une des trois causes de mise en jeu de la responsabilité d’un créancier caractérisant l’octroi fautif de crédit (fraude, immixtion caractérisée dans la gestion ou prise de garanties disproportionnées), le retrait ou la réduction du concours n’est nullement visée par la lettre de l’article L. 650-1 du Code de commerce. Une action en responsabilité peut donc être engagée sur le fondement du droit commun, et notamment l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier.

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