SOURCE : CA PARIS, Pole 5 ch 3, 15 mai 2019, n°17/19177, SARL AUSTIN’S HOTEL
Pour les baux conclus ou renouvelés avant le 5 novembre 2014, ni la répartition ni le paiement des charges locatives ne sont organisés par la loi, le droit prétorien appréciant strictement la répartition matérielle prévue au bail par nature de charge entre le bailleur et le preneur (taxe foncière, assurance PNO), et avec une certaine souplesse les modalités de répartition entre les différents occupants d’un même immeuble.
Dans un immeuble en copropriété, les juges du fond admettent ainsi :
– Une répartition conventionnelle au prorata des loyers des occupants de l’immeuble[1] ;
– Une répartition conventionnelle au prorata de la valeur locative des locaux[2], bien que les juges émettent toute réserve sur la méthode ;
– Une répartition au prorata des surfaces louées [3] ;
S’agissant des immeubles comportant plusieurs locataire, mais hors copropriété, les juges du fond, et notamment les Cours d’appel de Versailles[4], Bordeaux[5] et Nîmes[6] ont pu admettre qu’à défaut de stipulation contractuelle fixant la clé de répartition des charges, celle-ci est faite à l’initiative du bailleur ou selon la commune intention des parties.
La Cour d’appel de Paris partageait cette position [7]jusqu’à un arrêt du 21 novembre 2018[8], dans lequel elle reprochait à un preneur à bail l’absence de clé de répartition, dans ses contrats de sous location, des charges d’électricité, d’eau, d’assurance et de taxes sur les bureaux, conduisant la juridiction à refuser la refacturation des charges du preneur sur le sous-locataire.
L’arrêt commenté semble intervenir dans le prolongement de cette décision.
En l’espèce, un preneur avait pris à bail la totalité des surfaces d’un immeuble au terme d’un contrat unique puis de deux baux de renouvellement distincts, dont l’un a été cédé.
Les baux successifs renvoyant maladroitement, en ce qui concerne les refacturations de charges, au bail initial, aucune clause du dernier bail, conclu en 2006 ne définissait de clé de répartition des charges communes récupérables sur les preneurs.
Le preneur en déduisait qu’il n’était redevable d’aucune charge exorbitante du droit commun, et refusait de s’acquitter de la taxe de balayage, de la taxe foncière, des assurances propriétaire non occupant et de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères dont le remboursement du preneur au bailleur était pourtant convenu au bail. Le bailleur lui délivrait en conséquence commandement de payer visant la clause résolutoire, contraignant le preneur à s’acquitter des sommes litigieuses, avant d’en solliciter le remboursement devant la juridiction du fond.
Pour la Cour d’appel de Paris, à défaut pour le bail de contenir une clé de répartition des charges, le bailleur ne peut modifier unilatéralement le bail, ni demander au juge d’introduire dans le bail une clause à cet effet. La Cour estime ainsi que les sommes liées au paiement des charges sont indues, et doivent être remboursées au preneur, invitant expressément les parties à se rapprocher afin de convenir d’un avenant contenant une clé de répartition.
En effet, si le juge n’a pas le pouvoir d’introduire au bail une clause de répartition des charges, ce dernier ne peut pas non plus contraindre l’une ou l’autre partie à conclure un avenant au contrat, mais seulement inviter le preneur à respecter son obligation de bonne foi. Demeurera ainsi pleine et entière la question du refus du preneur de participer à cette interprétation du contrat…
En toute hypothèse le présent arrêt, même s’il a été rendu sous l’empire des anciens textes, peut laisser penser que si un bail soumis à la loi du 18 juin 2014, dont l’article L145-40-2 du code de commerce impose que « dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location précise la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble » ne précise pas le mode de répartition des charges, ces dernières ne seraient pas recouvrables devant la Cour d’appel de Paris.
Les baux de renouvellement n’échappant pas aux dispositions de la loi Pinel, nul doute que des contentieux à venir ne manqueront pas de répondre à la question.
[1] CA PARIS, CH16 B, 3 avril 1992, n°89-20838
[2] CA PARIS, CH 6 B, 5 décembre 2002, n°01-15131
[3] 3ème civ, 29 janvier 2002, n°00-19966
[4] CA VERSAILLES, CH 12, 3 septembre 2013, n°12/04215
[5] CA BORDEAUX, ch. civile 01 sect. A, 16 janvier 2014, n° 13/01703
[6] CA NIMES, CH4, 2 mars 2017, n°15/05673
[7] CA PARIS, CH 16 B, 20 mars 2008, n°07/06775
[8] CA PARIS, Pole 5 Ch3, 21 novembre 2018, n°17/06226