L’utilisation par l’administration fiscale d’une consultation juridique rédigée par un avocat à destination de son client est possible

Clara DUBRULLE
Clara DUBRULLE

Source : Conseil d’État, 3ème – 8ème chambres réunies, 12 décembre 2018 n° 414088

 

Monsieur B est gérant et associé unique de l’EURL Baby Black Elephant. La société a été constituée en octobre 2006 par apport des actions que Monsieur B détenait dans la société RJMJ dont le capital a fait l’objet d’une réduction le 30 janvier 2009.

 

Dans le cadre d’une vérification de comptabilité de la société, l’administration fiscale a estimé que la réduction de capital avait mis fin au report d’imposition de la plus-value d’échange réalisée par Monsieur B en 2006.

 

Le TA de Paris ainsi que la CAA de Paris ont rejeté la demande de décharge présentée par Monsieur et Madame B des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis à la suite des rectifications de l’administration fiscale.

 

Le Conseil d’Etat relève qu’il ressort des pièces du dossier qu’au cours de la vérification de l’EURL, le vérificateur a pris connaissance dans les locaux de la société d’un certain nombre de documents, parmi lesquels figurait une consultation juridique adressée par l’avocat de Monsieur B au siège de la société, à l’attention personnelle de ce dernier et revêtue de la mention « personnel et confidentiel ».

 

Ce document détaillait les conséquences, pour Monsieur B sur ses revenus personnels, de l’opération envisagée de réduction du capital de la société Baby Black Elephant, notamment en ce qui concerne la déchéance du sursis d’imposition d’une fraction de la plus-value d’apport dont il avait bénéficié en 2006. Il n’est pas contesté par l’administration fiscale que c’est ce document qui a fondé l’imposition en litige.

 

Or, le premier alinéa de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose :

 

« En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention “officielle”, les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel »

 

Le Conseil d’Etat juge qu’il résulte de ces dispositions que l’ensemble des correspondances échangées entre un avocat et son client, et notamment les consultations juridiques rédigées par l’avocat à son intention, sont couvertes par le secret professionnel.

 

Dès lors, l’administration fiscale peut-elle utiliser, pour fonder l’imposition supplémentaire mise à la charge du contribuable, les correspondances échangées entre le contribuable et son avocat ?

 

Le Conseil d’Etat rappelle que la confidentialité des correspondances entre l’avocat et son client ne s’impose qu’au premier et non au second qui, n’étant pas tenu au secret professionnel, peut décider de lever ce secret, sans y être contraint.

 

Ainsi, la circonstance que l’administration ait pris connaissance du contenu d’une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat est sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition suivie à l’égard de ce contribuable dès lors que celui-ci a préalablement donné son accord en ce sens.

 

Il juge, en revanche, que la révélation du contenu d’une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat vicie la procédure d’imposition menée à l’égard du contribuable et entraîne la décharge de l’imposition lorsque, à défaut de l’accord préalable de ce dernier, le contenu de cette correspondance fonde tout ou partie de la rectification.

 

Ainsi, en jugeant que la procédure était régulière au seul motif que l’information protégée avait été révélée par le bénéficiaire du secret professionnel, sans rechercher si le contribuable avait donné son accord préalable à cette révélation, la Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.

 

En l’espèce, Monsieur B a immédiatement refusé toute prise de copie par le vérificateur de la consultation juridique, cette consultation n’a d’ailleurs plus été présentée au vérificateur lors de la suite des opérations de contrôle sur place.

 

Le Conseil d’Etat estime que ces circonstances démontrent l’absence d’accord préalable du contribuable à la remise de la consultation juridique. En conséquence, l’administration fiscale ne pouvait pas l’utiliser pour le calcul du montant des impositions contestées, les informations contenues dans ce document étant protégées.

 

Ce qu’il faut retenir : l’administration fiscale peut utiliser les correspondances échangées entre l’avocat et le contribuable pour fonder, tout ou partie, de l’imposition supplémentaire mis à la charge du contribuable, à condition que celui-ci ait préalablement donné son accord à la levée du secret professionnel.

 

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