Action en responsabilité du banquier et point de départ de la prescription : date de conclusion du contrat de prêt, ou survenance du dommage ?

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. com., 6 mars 2019, n° 17-22.668

 

I – L’espèce

 

Une cour d’appel déclare prescrite l’action en responsabilité engagée par des emprunteurs contre la banque, en retenant que le dommage résultant du manquement du banquier à ses obligations de conseil et de mise en garde à l’occasion du montage financier, associant la souscription d’un prêt in fine et l’adhésion à des contrats d’assurance-vie (les emprunteurs reprochaient à la banque de ne pas avoir été prévenus du risque que le rachat de ces contrats ne permette pas de rembourser le prêt à son terme), consistait en la perte d’une chance de ne pas contracter, laquelle se manifestait dès l’octroi du prêt. Dès lors, la cour a considéré que la prescription avait commencé à courir à la date de conclusion du contrat de prêt et que l’action en responsabilité en application de l’article L. 110-4 du Code de commerce se trouvait donc prescrite.

 

Les emprunteurs ont formé pourvoi contre la décision.

 

II – Le pourvoi

 

Les emprunteurs, profanes, soutenaient que la prescription de l’action en responsabilité du banquier court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en a pas eu précédemment connaissance. En l’espèce la faute commise par la banque consistait en un manquement à son devoir de conseil et de mise en garde envers eux, qui n’a pu leur apparaître qu’au terme du prêt in fine, du fait d’une contre-performance des contrats d’assurance-vie nantis en garantie dudit prêt, et non à la conclusion des contrats comme l’a jugé la cour d’appel.

 

La Chambre commerciale approuve ce raisonnement, et casse l’arrêt d’appel. Le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité se manifeste à la réalisation du dommage et non à la date de conclusion du contrat de prêt. Cette solution est-elle généralisée à tous les cas de responsabilité du banquier dispensateur de crédit ? La réponse est négative.

 


III – Distinction

 

L’espèce rapportée ci-avant est à distinguer de celle d’une opération unitaire, telle que la conclusion d’un contrat de prêt où, en cas de manquement par la banque à son devoir de conseil ou de mise en garde, le point de départ du délai de prescription est la date de conclusion du contrat .

 

A l’inverse, aux termes d’un autre arrêt du 9 juillet 2009, la Première Chambre civile de la Cour de cassation a retenu une solution différente en considérant que la prescription de l’action en responsabilité pour l’octroi d’un prêt, malgré une incapacité manifeste à faire face au remboursement, débute au jour où le dommage s’est révélé à l’emprunteur, soit lors des premières difficultés de remboursement .

 

Autrement dit, la question demeure et demeurera soumise à la casuistique.

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