Le caractère abusif de la clause de déchéance du terme

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

La clause de déchéance du terme peut revêtir un caractère abusif que le juge doit relever d’office.

Source : Cass.Civ.1., 22 mars 2023, n° 21-16044 et Cass.Civ.1., 22 mars 2023, n°21-16476

Le point de départ des arrêts est similaire, un crédit immobilier est octroyé à des emprunteurs qui viendront à ne plus pouvoir honorer le prêt.

La banque ne manquera pas d’engager des procédures visant le recouvrement de sa créance notamment sur des immeubles appartenant au débiteur.

Le point commun intervient dans la défense puisqu’il est évoqué le caractère abusif de la clause de déchéance du terme. Il est également reproché à la Cour d’appel de ne pas avoir relevé d’office le caractère abusif de la clause.

La Cour de cassation aura une réponse détaillée ce qui permet une compréhension très claire des décisions rendues.

Dans un premier temps, la Cour de cassation fait un retour sur la notion de clause abusive par un rappel de l’article L212-1 du Code de la consommation :

« Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 118811891191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.

L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la commission des clauses abusives, détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

Un décret pris dans les mêmes conditions, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse. 

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies. ».

La Cour reprend par la suite la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne et notamment l’appréciation du caractère abusif par l’étude « caractère essentiel ou non de l’obligation inexécutée, la gravité du manquement de l’emprunteur au regard de la durée et du montant du prêt, le caractère dérogatoire de la clause de déchéance du terme par rapport aux règles de droit commun normalement applicables, le fait que le droit national prévoit ou pas des moyens adéquats et efficaces permettant à l’emprunteur de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt. ».

L’examen doit donc être fait au cas par cas.

Dans le premier arrêt, la Cour considère que :

« 14. Pour exclure le caractère abusif de la clause stipulant la résiliation de plein droit du contrat de prêt, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l’emprunteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire, en cas de défaut de paiement de tout ou partie des échéances à leur date ou de toute somme avancée par le prêteur, l’arrêt retient que la déchéance du terme a été prononcée après une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont les emprunteurs disposaient pour y faire obstacle et que la clause prévoyait la sanction du non-respect de l’obligation principale du contrat de prêt, conformément au mécanisme de la clause résolutoire.

15. En statuant ainsi, alors que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

Dans le second arrêt,

« 10. Par ailleurs, après avoir relevé que la clause contractuelle en exécution de laquelle la banque avait, dans le cas qui lui était soumis, prononcé la déchéance du terme, n’apparaissait pas relever de la notion d’« objet principal du contrat », ce qu’il appartenait à la juridiction de renvoi de vérifier (points 47 et 48), elle a dit pour droit que l’article 3, § 1, et l’article 4 de la directive 93/13 devaient être interprétés en ce sens que, sous réserve de l’applicabilité de l’article 4,§ 2, de cette directive, ils s’opposaient à ce que les parties à un contrat de prêt y insèrent une clause qui prévoyait, de manière expresse et non équivoque, que la déchéance du terme de ce contrat pouvait être prononcée de plein droit en cas de retard de paiement d’une échéance dépassant un certain délai, dans la mesure où cette clause n’avait pas fait l’objet d’une négociation individuelle et créait au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.

11. Pour ordonner la vente forcée de l’immeuble et fixer à une certaine somme la créance de la banque, l’arrêt retient que la somme réclamée par celle-ci au titre du capital restant dû et des échéances échues impayées est exigible en application de la clause des conditions générales du contrat de prêt qui, en cas de défaillance de l’emprunteur, prévoit l’exigibilité immédiate des sommes dues au titre du prêt.

12. En statuant ainsi, sans examiner d’office le caractère abusif d’une telle clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d’une échéance à sa date, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d’une durée raisonnable, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

La Cour de cassation qualifie d’abusive la clause de résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de payer les échéances en souffrance sans préavis d’une durée raisonnable. L’examen de la clause doit être fait d’office par le magistrat

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