La validité d’une clause exonératoire de garantie des vices cachés dépend de l’analyse concrète de la qualité des parties et de leur spécialité professionnelle.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 octobre 2025, 23-18.469 23-18.508 23-18.560, Inédit
Dans cette affaire, l’acte de vente d’un immeuble à usage de bureaux était accompagné de trois rapports de diagnostic réalisés par deux professionnels différents, indiquant l’absence d’amiante. Trois ans après l’acquisition, le nouveau propriétaire découvre la présence d’amiante et assigne le vendeur, les diagnostiqueurs et leurs assureurs en réparation de ses préjudices.
Au fond, les juges avaient reconnu la responsabilité du vendeur malgré l’existence d’une clause d’exclusion de la garantie des vices cachés, en considérant que l’acquéreur et le vendeur appartenaient à la même spécialité professionnelle. Ils avaient également limité les demandes envers les diagnostiqueurs à une simple perte d’information, estimant que la non-détection d’amiante ne privait l’acquéreur que d’une chance de négocier différemment.
La Cour de cassation casse cette décision aux motifs suivants :
- Clause de non-garantie : les premiers juges n’avaient pas vérifié si l’acquéreur était effectivement un professionnel de la même spécialité que le vendeur. Or, selon l’article 1643 du code civil, la clause de non-garantie des vices cachés est opposable entre professionnels de spécialité identique, sauf si le vendeur avait une connaissance effective du vice ou agissait de mauvaise foi. La qualification professionnelle doit donc être appréciée in concreto, au cas par cas, pour déterminer l’opposabilité de la clause.
- Préjudice du diagnostiqueur : la Cour de cassation rappelle que le préjudice résultant de l’erreur du diagnostiqueur ne se limite pas à une simple perte de chance de négocier le prix. Selon l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation, le préjudice correspond au surcoût réel des travaux de remise en état, ici le coût des travaux de désamiantage générés par la non-détection de l’amiante.
Observations jurisprudentielles
- Opposabilité de la clause de non-garantie entre professionnels :
La Cour de cassation a souvent rappelé que la clause d’exonération de garantie des vices cachés est pleinement valable entre professionnels de spécialité identique, sauf preuve de connaissance ou de mauvaise foi du vendeur (Cass. 3e civ., 9 mai 2018, n° 16-27.185 ; Cass. 3e civ., 17 juin 2020, n° 18-18.093). L’appréciation doit être in concreto, en tenant compte de la compétence réelle des parties et du contexte de la transaction. - Préjudice du fait du diagnostiqueur :
La jurisprudence constante précise que le préjudice d’un acquéreur victime d’une erreur de diagnostic ne se réduit pas à une perte de chance de négociation, mais inclut le coût effectif des travaux de remise en état (Cass. 3e civ., 12 janv. 2017, n° 15-28.229 ; Cass. 3e civ., 23 févr. 2022, n° 20-24.352). La distinction entre perte d’information et dommage matériel effectif est essentielle pour déterminer l’indemnisation. - Distinction vendeur / diagnostiqueur :
Le vendeur engage sa responsabilité sur le fondement de la garantie légale des vices cachés (art. 1641 et 1643 C. civ.), tandis que le diagnostiqueur est responsable sur le plan professionnel, notamment pour les préjudices résultant d’erreurs de diagnostic affectant la sécurité ou la conformité de l’ouvrage.
En synthèse, cette décision illustre deux points clés :
- La clause de non-garantie peut être opposée à un professionnel, mais seulement si ce dernier appartient à la même spécialité, et que le vendeur n’a pas eu connaissance du vice.
- Le préjudice imputable au diagnostiqueur correspond au coût réel des travaux de réparation, et non à une perte de chance théorique.

