Un crédit affecté et la vente liée sont annulables malgré l’ouverture de la liquidation judiciaire.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Com., 03 février 2021, n° 19-13.434 F – D

 

Un couple achète des panneaux photovoltaïques et souscrit pour ce faire un crédit affecté. Le vendeur sera cependant mis en liquidation judiciaire conduisant les époux à solliciter l’annulation de la vente.

 

Immédiatement, on rappellera les dispositions du Code de commerce précisant que le jugement ouvrant une sauvegarde, un redressement ou une liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance est née avant ce jugement dès lors qu’elle tend à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une telle somme.

 

L’irrecevabilité des demandes sera retenue par la Cour d’appel de Paris emportant une double conséquence :

 

  La Cour retient en effet que l’action du vendeur affecte le passif de la liquidation et par conséquent constitue une action interdite par le Code de commerce sauf à ce que soit justifié d’une déclaration de créance.

 

  L’irrecevabilité de l’action empêche les époux de se prévaloir des dispositions de l’article L-312-55 du Code de la consommation permettant une action contre le prêteur.

 

La Cour de cassation censurera cette décision à juste titre par un attendu repris comme suit :

 

« En statuant ainsi, alors que les emprunteurs fondaient leur demande d’annulation du contrat de vente sur la violation de l’article L. 121-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, ainsi que sur l’existence d’un dol, et leur demande subsidiaire de résolution sur l’inexécution de prestations, sans demander de condamnation du vendeur au paiement d’une somme d’argent ni invoquer le défaut de paiement d’une telle somme, de sorte que, peu important le sort de l’éventuelle créance de restitution du prix de vente dans la procédure collective du vendeur, les demandes litigieuses ne se heurtaient pas à l’interdiction des poursuites, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 janvier 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; »

 

On remarquera que la demande principale des époux était non pas une demande pécuniaire, mais une demande en annulation du contrat de vente sur la violation des dispositions du Code de la consommation relatives au démarchage. A titre subsidiaire, les époux soulevaient la résolution du contrat au motif de l’inexécution des prestations sans pour autant solliciter la condamnation du vendeur à des dommages-intérêts ou toute autre demande pécuniaire.

 

Si ce point de droit a déjà pu faire l’objet d’une évocation par la Cour on rappellera trois points :

 

1.  Postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, l’interdiction d’agir en résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une créance antérieure ne s’applique pas lorsque l’action en résolution est fondée sur l’inexécution d’une autre obligation.[1]

 

2.  Il est également possible d’entreprendre une action en nullité du contrat.

 

3.  L’action en résolution ne se confond pas avec l’action en restitution qui tombe sous le joug de l’interdiction. Ainsi, on distinguera la demande en résolution de la demande en restitution du prix ou de dommages-intérêts.

 

Si une action en paiement combiné à une demande en résolution est entreprise au jour de l’ouverture de la procédure collective, alors après déclaration de créance et mise en cause des organes de la procédure, le juge pourra prononcer la résolution du contrat et fixer la créance dans la limite de la déclaration sans pouvoir condamner le débiteur au paiement.

 

[1][1] A titre d’exemple : Cass.Com., 13 septembre 2017, n° 16-12249 F-D, Cass.Com., 11 octobre 2016, n° 15-16099, Cass.Com., 02 mars 1999 n° 96-12071

 

Le bailleur peut demander la résiliation du bail au motif que le locataire n’a pas respecté, avant de faire l’objet d’une procédure collective, la destination des locaux ou l’obligation d’y exploiter un fonds de commerce. L’acheteur peut, après l’ouverture de la procédure collective du vendeur, demander la résolution de la vente pour défaut de délivrance du bien vendu ou encore en raison des vices cachés qui l’affecte

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