Source : Cass. com. 11 septembre 2019, n° 17-26.594, FS-P+B
I – La règle de droit
L’article L.313-12 du code monétaire et financier prévoit en substance qu’une banque ne peut rompre le concours à durée indéterminée consenti à une entreprise qu’en respectant un délai de préavis d’au moins 60 jours. Elle n’est cependant pas tenue de respecter ce délai en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou si la situation de ce dernier se révèle irrémédiablement compromise.
II – L’espèce
Un agent général d’assurances encaisse sur son compte bancaire des chèques qui avaient été émis au profit de ses clients. Découvrant ces détournements, la banque rompt sans préavis l’ensemble des crédits qu’elle lui avait accordés. L’agent d’assurances, non sans une certaine mauvaise foi, réplique en invoquant une faute de la banque, qui a encaissé les chèques détournés sans vérification.
III – Un moyen de cassation infondé
La Cour de cassation écarte l’argument : l’éventuel manquement de la banque à son obligation de vérifier que le déposant était le bénéficiaire des chèques ne la prive pas de la faculté de rompre sans préavis les concours lorsqu’elle se situe dans l’un des cas prévus par la loi.
Les cas autorisant la banque à rompre sans délai ses concours sont rares. Les dépassements importants et répétés de l’autorisation de découvert, malgré les nombreuses mises en garde de la banque, sont constitutifs d’un comportement gravement répréhensible de l’emprunteur[1]. La rétention volontaire par l’emprunteur d’informations sur les procédures de conciliation et d’alerte dont il faisait l’objet, sont constitutifs d’un comportement gravement répréhensible de l’emprunteur[2] , comme celui de ne pas fournir les documents et la sûreté demandés pour assainir sa situation par un financement mieux adapté[3].
La Cour de cassation précise ici que l’éventuelle faute de l’établissement de crédit lui-même ne lui interdit pas d’invoquer ces dispositions. La rupture immédiate du crédit est justifiée par la gravité des faits reprochés à l’emprunteur, justifiant la perte de confiance de la banque, peu importe, à cet égard, qu’elle-même ait contribué à son préjudice. Rappelons que, même lorsqu’elle est fondée à rompre ses concours sans préavis, la banque reste tenue de notifier préalablement par écrit sa décision[4].
[1] Cass. com. 2 novembre1994, no 92-15.920, D
[2] Cass. com. 7 février 2012, no 10-28.815, F-D
[3] Cass. com. 2 juin1992, n°90-18.313, P
[4] Cass. com., 18 mars 2014, no 12-29.583, F-P+B