SOURCE : Arrêt de la 2ème Chambre Civile du 28 mai 2020 du 28 mai 2020 n°18-26.512 FS-P+B+R+I (rejet)
La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Loire Atlantique a réclamé les 5 septembre 2014 et 9 juillet 2015 à une assurée, le remboursement de deux indus de pension d’invalidité.
La commission de recours amiable de la caisse ayant rejetée sa demande de remise de dettes, l’assurée a saisi d’un recours le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale de Nantes, lequel dans un jugement rendu en dernier ressort le 8 novembre 2018, lui a accordé la remise gracieuse de la totalité des indus de pension d’invalidité litigieux, pour un total de 493,24€.
En suite de cette décision, la CPAM de Loire Atlantique a formé un pourvoi en cassation.
A l’appui de son pourvoi, la caisse reproche au jugement rendu d’avoir accordé à l’assurée la remise gracieuse de la totalité des indus de pension d’invalidité litigieux, au motif que « seul l’organisme social, à l’exclusion du juge du contentieux général de la sécurité sociale, dispose de la faculté de remettre ou de réduire, en cas de précarité de la situation du débiteur, le montant de sa créance » de sorte qu’en accordant à l’assurée la remise totale de sa dette, les juges du fonds ont violé les dispositions de l’article L256-4 du Code de la Sécurité Sociale.
Mais la 2ème Chambre Civile de la Haute Cour ne va pas suivre la Caisse dans son argumentation.
Soulignant que selon l’article L256-4 du Code de la Sécurité Sociale, sauf en ce qui concerne les cotisations et majorations de retards, « les créances des caisses nées de l’application de la législation de Sécurité Sociale peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée de la caisse », la Haute Cour considère qu’il entre donc dans l’office du juge judiciaire de se prononcer sur le bienfondé de la décision administrative d’un organe de sécurité sociale déterminant l’étendue de la créance qu’il détient à l’égard de l’un de ses assurés, de sorte que régulièrement saisi d’un recours contre la décision ayant rejeté tout ou partie de la demande de remise gracieuse d’une dette née de l’application de la législation de sécurité sociale, il appartient au juge d’apprécier si la situation de précarité du débiteur justifie d’une remise totale ou partielle de la dette en cause.
La Haute Cour relève que pour accorder à l’assurée la remise totale de deux indus de pension d’invalidité, le jugement retient que celle-ci a fait valoir qu’elle ne disposait d’aucun salaire, qu’elle était bénéficiaire de l’allocation pour adulte handicapé depuis 2016, et que le montant de sa retraite à compter du mois de janvier 2019 s’élèvera à 550€ par mois, de sorte qu’il y avait lieu en conséquence, compte tenu de sa situation de précarité et de sa bonne foi, de lui accorder une remise totale de la dette.
La Haute Cour en conclu que le tribunal procédant de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de faits et de preuves qui étaient débattus devant lui, il a pu décider que la situation de précarité de l’assurée justifiait sa remise de dettes.
Par suite, la Haute Cour rejette le pourvoi.
Cet arrêt opère un revirement d’une jurisprudence constante depuis l’assemblée plénière du 23 janvier 1964 qui avait posé le principe selon lequel seules les caisses de sécurité sociale et leurs commissions de recours amiable avaient la faculté d’accorder aux assurés en situation de précarité, la remise de tout ou partie de leurs dettes, cette faculté n’étant pas offerte aux juges judiciaires pourtant compétents pour connaître de ces litiges.
Enfin, compte tenu de sa généralité, le principe posé par l’arrêt du 28 mai 2020 devrait pouvoir trouver à s’appliquer à toutes les créances d’indus des caisses, quelles qu’en soit l’origine.