Responsabilité pour insuffisance d’actif : caractérisation de la simple négligence du dirigeant

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. com., 3 févr. 2021, n° 19-20.004, Publié au bulletin

 

I – Le texte en question

 

L’article L. 651-2 du code de commerce permet, lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, à un tribunal, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, de décider que le montant en sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. Mais cette faculté est écartée en cas de simple négligence du dirigeant dans la gestion de la société, innovation par la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016.

 

II – L’espèce

 

Le 4 janvier 2012,un société est mise en liquidation judiciaire. Le liquidateur judiciaire assigne les personnes qui se sont succédé dans les fonctions de président de la société (des époux), en responsabilité pour insuffisance d’actif, au titre de l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours à compter de la cessation des paiements. Cette omission constitue habituellement une faute de gestion si elle a contribué à l’insuffisance d’actif. Et si tel n’est pas le cas, elle pourrait donc être assimilée à une simple négligence exonérant de la responsabilité en insuffisance d’actif.

 

La demande est rejetée en ces termes par les juges du fond. Le liquidateur judiciaire saisit la Cour régulatrice de la question.

 

Il considère ainsi que la simple négligence du dirigeant ne pouvait être écartée, après avoir relevé que le résultat de l’exercice de société sur les quinze derniers mois était déficitaire de 122 350 euros, qu’avait été établi un dossier prévisionnel de développement afin de résoudre les difficultés financières de la société, ce qui démontre la volonté du gérant de chercher une solution, et qu’il a ensuite été procédé à la vente de 80 % du fonds de commerce et que 60 000 euros ont été versés afin d’augmenter le capital social, aux fins d’apurer la situation financière de la société, alors que ces circonstances démontraient au contraire la connaissance de la situation de cessation de paiements par le dirigeant.

 

II – Réponse de la Cour de cassation

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi, au motif que le moyen, qui postule que l’omission de la déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal ne peut constituer une simple négligence du dirigeant qu’à la condition que celui-ci ait pu ignorer cet état, n’est pas fondé.

 

Quelques décisions ont semblé esquisser les contours de cette notion pour le moins malléable[1].  L’arrêt ci-commenté est favorable aux dirigeants sociaux, et laisser présager un contentieux abondant à l’avenir.

 

Connaître l’état de cessation des paiements et ne pas déclarer cet état comme la loi l’impose constitue une négligence, mais qui engendra une sanction que si la preuve d’autres circonstances est rapportée, faisant basculer cette négligence par présomption « simple », en véritable faute de gestion caractérisée. Négligence ne veut pas donc dire ignorance. L’appréciation est donc largement laissée à l’appréciation du juge. La décision affaiblit cependant singulièrement l’obligation pour le dirigeant de déclarer la cessation des paiements de son entreprise dans le délai légal, dont la sanction pourra sembler désormais plus incertaine.

 

[1] Cass. com., 26 févr. 2020, n° 18-24.188 ; Cass. com., 23 sept. 2020, n° 18-23.360

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