Relation amoureuse au travail : quand le conte de fée prend fin et aboutit au licenciement de l’un des salariés.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 16 décembre 2020, n°19-14.665 (F-D)

 

Un salarié engagé par une banque le 3 juin 2002 exerçant en dernier lieu les fonctions d’Animateur Commercial a été licencié pour faute grave par une lettre notifiée le 6 juillet 2015 pour des agissements commis à l’encontre d’une salariée avec laquelle il avait entretenu une relation amoureuse pendant plusieurs mois, ce dont elle s’était plainte auprès de son employeur.

 

En suite de son licenciement, le salarié va saisir le Conseil de Prud’hommes de diverses demandes indemnitaires.

 

Sa demande va être accueillie par les premiers juges puis par un arrêt de la Cour d’appel de Colmar rendu le 12 février 2019, laquelle va considérer que les griefs émis par l’employeur dans la lettre de licenciement, relevaient de la vie privée du salarié, de sorte que pour constituer une cause de licenciement qui plus est de nature disciplinaire, il devait caractériser aussi un manquement aux obligations du contrat de travail, ce qui n’était pas établi par l’employeur.

 

La Cour d’appel relève également qu’aucune dégradation de la santé de la salariée plaignante et qu’aucune pièce ne justifiait que le contrat de travail de celle-ci ait été suspendu pour cause médicale, et qu’en outre rien ne venait prouver non plus une incidence sur l’évolution de carrière de celle-ci, ni une atteinte au sein de la communauté professionnelle de sa dignité ou de sa réputation.

 

Elle en conclu que les faits reprochés par l’employeur ressortaient exclusivement de la vie privée des salariés et que par suite il était exclu qu’il soit constitutif d’un manquement fautif aux obligations du contrat de travail.

 

La Cour d’appel valide donc l’appréciation des premiers juges d’avoir considéré une absence de cause réelle et sérieuse au licenciement prononcé à l’égard du salarié, la nature privée des faits excluant toute faute grave ni seulement sérieuse.

 

En suite de cette décision, l’employeur forme un pourvoi en cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, il reproche à l’arrêt d’appel d’avoir considéré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, prétendant que le fait pour un salarié de profiter du stationnement du véhicule de la salariée près de l’agence où elle travaille pour y installer une balise GPS afin de la surveiller à son insu et de lui adresser de nombreux messages intimes notamment communiqués par l’intermédiaire de sa messagerie professionnelle, pour la presser de reprendre contact et la soupçonner d’entretenir une relation avec un autre collègue de travail, revêtait un caractère professionnel et non pas privé.

 

Mais la Chambre Sociale de la Haute Cour ne va pas suivre l’employeur dans son argumentation.

 

Soulignant que la Cour d’Appel :

 

– a constaté d’une part, que les salariés avaient entretenu pendant des mois une relation amoureuse faite de ruptures et de sollicitations réciproques,

 

– a constaté d’autre part, que le courriel de la salariée du 16 octobre 2014 établissait que chacun d’eux avait suggéré de rompre, excluant une demande non-équivoque résultant de la seule initiative de l’intéressée

 

– a écarté l’allégation de harcèlement moral,

 

– a souligné que la balise avait été posée sur le véhicule personnel de la salariée, que l’envoi des courriels au moyen de l’outil professionnel était limité à deux messages et que les faits n’avaient eu aucun retentissement au sein de l’agence ou sur la carrière de l’intéressée,

 

Elle a pu en déduire que ces faits relevaient de la vie personnelle du salarié et ne constituaient pas un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail, de sorte que le licenciement était par conséquent dénué de cause réelle et sérieuse.

 

Par suite, la Chambre Sociale de la Haute Cour rejette le pourvoi.

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