Pénalités fiscales et principe de proportionnalité

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

Source : CE 10/03/2020 n°437122, mentionné dans les tables du recueil Lebon

 

Les pénalités fiscales sont des sanctions pécuniaires appliquées par l’administration fiscale. Elles sont principalement constituées par des majorations de droits et d’amende fiscales. Elles se distinguent des intérêts de retard et des sanctions pénales.

 

En l’espèce, le contribuable contestait le montant de la pénalité qu’il s’est vu infliger en vertu de l’article 1764 du Code Général des Impôts pour ne pas avoir respecté l’engagement de conserver un immeuble qu’il avait acquis dans le cadre du régime de faveur de l’article 210 E du même code.

 

Le contribuable ne contestait pas avoir cédé trop tôt son immeuble et donc être redevable d’une amende mais estimait que le montant de cette amende était disproportionné en ce qu’elle est égal à 25 % de la valeur de cession de l’immeuble pour lequel l’engagement de conservation n’a pas été respecté.

 

Il a choisi d’invoquer l’article 1 du protocole additionnel à la convention européenne des droits de l’homme (CEDH) qui dispose « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».

 

Pour statuer, le Conseil d’Etat applique les critères utilisés par le Conseil Constitutionnel dans le cadre des questions prioritaires de constitutionnalités (QPC) ayant également visées la question de la proportionnalité des pénalités fiscales (mais au regard de la constitution française et plus particulièrement de son article 8).

 

Il s’agit de procéder à une double vérification portant sur :

  l’existence d’un lien entre la nature de l’infraction et l’assiette de la sanction ;

 

  le caractère non disproportionné de la sanction prévue par le législateur au regard de la gravité de l’infraction.

 

Le Conseil d’Etat juge la première condition est remplie : « En déterminant le montant de cette amende en fonction de la valeur à laquelle l’immeuble a été acquis par la société auteur du manquement, les dispositions de l’article 1764 du code général des impôts ont retenu une assiette en rapport avec l’infraction commise, tenant à la rupture de l’engagement de conservation de l’immeuble ».

 

Il estime cependant que le taux utilisé pour le calcul de cette pénalité était disproportionné : « Toutefois, en appliquant à cette valeur un taux de 25 %, alors que l’avantage fiscal dont bénéficient le cédant et le cas échéant, indirectement, le cessionnaire, s’élève seulement à la différence entre le taux réduit de 19 % et le taux normal de l’impôt sur les sociétés, appliquée à la plus-value imposable, les dispositions contestées ont retenu un montant d’amende disproportionné par rapport à la gravité du manquement qu’elle réprime et portent ainsi une atteinte disproportionnée, au regard de l’objectif poursuivi, au droit au respect des biens garanti par les stipulations de l’article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

 

Ainsi, quelque soit la règle (nationale ou conventionnelle) invoquée pour contester la disproportion d’une pénalité fiscale, l’appréciation des juridictions compétentes se base sur la même méthode.

 

Le contribuable pourra ainsi, selon ses objectifs, choisir entre plusieurs procédures pour parvenir à ses fins :

 

  introduire une QPC qui a le mérite de la rapidité puisque le Conseil Constitutionnel doit statuer dans les 3 mois de sa saisine mais doit en priorité analyser le texte critiqué au regard de la constitution et non des conventions internationales ;

 

  introduire un recours plein contentieux devant les juridictions administratives en invoquant la CEDH pour éviter la QPC (qui doit passer le filtre de la transmission par la juridiction saisie) mais cette procédure peut être longue ;

 

  introduire un recours pour excès de pouvoir (comme au cas d’espèce) en invoquant la CEDH devant le Conseil d’Etat qui généralement statue rapidement en la matière mais sans l’obligation de respect d’un délai particulier

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