Panneaux photovoltaïques et garantie décennale

Amandine Roglin
Amandine Roglin

Les panneaux photovoltaïques doivent être analysés comme un ouvrage ouvrant droit à garantie décennale dès lors qu’ils constituent la couverture de l’immeuble et en assure le clos, le couvert et l’étanchéité.

Cour d’appel de Rennes, 4e chambre, 15 décembre 2022, n° 22/00062

I –

Des panneaux photovoltaïques sont posés sur des bacs secs sur les versants des toitures de deux poulaillers et d’un hangar.

L’entreprise qui a fourni et posé les panneaux photovoltaïques est, quelques années plus tard, placée en liquidation judiciaire.

Se plaignant de dysfonctionnement affectant la production d’énergie de l’installation, le maître d’ouvrage a assigné l’assureur décennale de l’entreprise aux fins d’expertise.

A l’issue des opérations d’expertise judiciaire, le maître d’ouvrage a assigné l’assureur au fond, sur le fondement de l’action directe, en vue de mobiliser la garantie décennale du constructeur et se voir ainsi indemnisé de l’ensemble de ses préjudices.

II –

En première instance, l’assureur est condamné.

Il interjette appel.

L’assureur reproche aux premiers juges d’être entrés en voie de condamnation à son encontre alors que les panneaux photovoltaïques ont été mis en œuvre en surimposition sur une toiture ancienne et déjà existante.

Dès lors, les panneaux photovoltaïques ne peuvent pas être considérés comme des ouvrages ouvrant droit à garantie décennale.

Selon l’assureur, les panneaux photovoltaïques devaient être analysés comme des éléments d’équipements.

Dans la mesure où ces panneaux photovoltaïques avaient pour fonction exclusive l’exercice de l’activité professionnel du maître d’ouvrage, ses garanties n’étaient pas mobilisables, au sens des dispositions de l’article 1792-7 du Code civil.

III –

La Cour d’appel de RENNES confirme le jugement rendu en 1ère instance.

Il ressortait des conclusions émanant d’un rapport d’expertise privé, mais également, des conclusions de l’expert judiciaire, que l’ancienne couverture était composée de tôles en fibrociment, nécessitant un désamiantage.

Or, le devis de l’entreprise prévoyait une option de dépose des toitures en fibrociment, option réglée par le maître d’ouvrage au regard des factures versées aux débats, cette prestation ayant été sous-traitée à une société qualifiée.

La Cour en a déduit que l’ancienne toiture avait été totalement déposée, contrairement à ce que soutenait l’assureur de telle sorte que les panneaux photovoltaïques n’avaient pas été posés en surimposition sur une toiture existante.

D’autre part, la facture de l’entreprise mentionnait un système d’intégration en toiture des panneaux.

La Cour en a conclu que la couverture des versants Sud des trois bâtiments était constituée par l’installation photovoltaïque, laquelle assurait dès lors une fonction de clos, de couvert et d’étanchéité des bâtiments.

Dans ces conditions, les panneaux photovoltaïques devaient recevoir la qualification d’ouvrage.

Les autres conditions posées par les dispositions de l’article 1792 du Code civil étant réunies, la Cour a confirmé le jugement querellé en admettant que l’assureur décennal devait mobiliser ses garanties.

IV –

La qualification d’ouvrage, s’agissant des panneaux photovoltaïques, fait l’objet d’une jurisprudence récente mais nourrie depuis quelques années, du fait du recours de plus en plus important à ce type d’installation et le contentieux qui en découle.

La position de la jurisprudence est aujourd’hui claire, bien qu’elle s’applique au cas par cas : les panneaux intégrés à la toiture sont éligibles à la garantie décennale, ce qui n’est pas le cas des panneaux montés en surimposition d’une toiture existante.

Dans le cadre de cet arrêt, la Cour précise en outre que les panneaux photovoltaïques, parce qu’ils sont intégrés à la couverture, assurent une fonction de clos, de couvert et d’étanchéité, ce qui renforce sa qualification d’ouvrage et non de simple élément d’équipement.

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