Source : Cass.Com., 2 mai 2024, n°22-18074
Les faits sont peu communs. Une épouse mariée sous le régime de la séparation de biens arrive à obtenir du salarié de la banque un doublon de la carte bancaire de son époux, le tout à son insu. Cette opération est facilitée par le fait que l’épouse est salariée de la banque dont est client son mari.
Ce doublon sera utilisé pendant 4 ans pour des achats, retraits.
Le mari finira par assigner la banque sur le fondement de la responsabilité des commettants du fait de leur préposé.
Si l’argumentaire est tiré du droit commun, la Cour d’appel prononcera l’irrecevabilité de l’action au motif de la forclusion. En effet, le Code monétaire et financier prévoir en son article L133-24 un délai de forclusion de 13 mois.
Un pourvoi est régularisé.
La Cour de cassation rejettera le pourvoi comme suit :
« 5. En premier lieu, selon l’article L. 133-6 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017, une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution. Il en résulte que, contrairement à ce que postule le moyen, les retraits et paiements effectués par Mme [X], à l’aide du doublon de la carte bancaire de son conjoint qu’elle avait obtenu à son insu, constituent des opérations de paiement non autorisées par le payeur titulaire du compte.
6. En deuxième lieu, il résulte de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 mars 2023, (Beobank, C-351/21) que, dès lors que la responsabilité de la banque, prestataire de services de paiement, est recherchée sur le fondement d’une opération de paiement non autorisée, est seul applicable le régime de responsabilité défini aux articles L. 133-18 à L. 133-20 du code monétaire et financier, transposant les articles 58, 59 et 60, paragraphe 1, de la directive 2007/64/CE, à l’exclusion de tout régime alternatif de responsabilité résultant du droit national.
7. En troisième lieu, selon l’article L. 123-24 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017, l’utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion.
8. En conséquence, c’est à bon droit que l’arrêt a fait application de l’article L. 123-24 précité, quand bien même la banque se trouvait être l’employeur de Mme [X].
9. Ayant relevé que M. [L] entendait engager la responsabilité de la banque pour des opérations de paiement intervenues sur son compte entre 2007 et 2011 et qu’il s’était abstenu de les contester dans le délai de treize mois, la cour d’appel en a exactement déduit que cette action était irrecevable pour cause de forclusion.
10. Le moyen n’est donc pas fondé. »
La Cour considère donc que les opérations effectuées avec le doublon constituent des opérations non autorisées ou seul le régime du Code monétaire et financier doit s’appliquer. Il en résulte que le délai de forclusion de 13 mois trouve à s’appliquer.