Nantissement de compte bancaire et procédure collective

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

SOURCE :
Cass. com. 25 septembre 2019, n° 18-16.178, F-PB

 

I – Le texte en question

 

L’article 236 du code civil prévoit notamment que lorsque la personne qui a consenti un nantissement sur son compte fait l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, les droits du créancier nanti portent sur le solde du compte à la date du jugement ouvrant la procédure, sous réserve de la régularisation des opérations en cours, selon les modalités prévues par les procédures civiles d’exécution.

 

I – L’espèce

 

Une banque consent à une entreprise deux prêts dont le remboursement est garanti par le nantissement du compte courant de l’entreprise inscrit dans ses livres. Un créancier de l’entreprise fait pratiquer une saisie conservatoire sur le compte, la banque débite ce compte des sommes saisies qu’elle inscrit sur un compte spécial d’affectation.

 

Après la mise en liquidation judiciaire de l’entreprise, la banque déclare sa créance à titre privilégié et, la saisie conservatoire ayant fait l’objet d’une mainlevée, recrédite sur le compte les sommes saisies dont elle demande ensuite l’attribution judiciaire, demande accordée par les juges du fond.

 

II – Le pourvoi

 

Le liquidateur conteste l’attribution de ces sommes, faisant valoir que la mainlevée de la saisie n’est pas une opération en cours, la créance nantie s’entendant du solde créditeur, provisoire ou définitif, au jour de la réalisation de la sûreté sous réserve de la régularisation des opérations en cours, selon les modalités prévues par l’article L 162-1 du Code des procédures civiles d’exécution, telles les remises de chèques ou d’effets de commerce faites antérieurement en vue de leur encaissement, mais non encore portées au compte.

 

La Cour de cassation rejette l’argument : l’affectation des sommes sur lesquelles portait la saisie conservatoire sur un compte spécialement ouvert par la banque à cet effet était une simple opération comptable destinée à les isoler dans l’attente du sort qui leur serait réservé, sans incidence sur les droits des parties. En conséquence, en l’absence de conversion de la saisie conservatoire avant l’ouverture de la procédure collective, ces sommes étaient réputées figurer sur le compte nanti au jour du jugement ayant mis l’entreprise en liquidation judiciaire.

 

Pour la Cour de cassation, la notion d’opération en cours était étrangère au débat. Elle estime qu’en l’absence de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution avant l’ouverture de la liquidation judiciaire du constituant du nantissement, la saisie avait eu pour seul effet de rendre provisoirement indisponible la créance dont elle était l’objet, c’est-à-dire le solde créditeur, sans pour autant faire juridiquement sortir ces sommes du compte. Cette conversion était devenue impossible après l’ouverture de la procédure collective du constituant.

 

Les sommes saisies faisaient toujours partie du compte courant, le compte d’attente, qui n’est pas un compte distinct, n’ayant que le caractère d’un simple cadre comptable ne remettant pas en cause l’unicité du compte courant. La solution n’est pas nouvelle, bien que rarement rappelée par la Haute juridiction[1].

 

[1] Par exemple : Cass. com. 4 oct. 2005, no 04-16.356 F-D

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