Source : Cass.Civ.1., 24 octobre 2019, n° 18-15852, n° 896 P+B+I
Si le cas d’espèce s’inscrit dans un cas particulier, il y a lieu de le réinsérer dans un contexte plus général. En effet, la Cour n’a eu de cesse de connaitre du contentieux relatif au cautionnement, mais plus particulièrement à son extinction, principale source de défense.
Le cas d’espèce se penche sur l’imputation des paiements réalisée par le débiteur principal en cas de pluralité de dettes.
I – Les faits d’espèces.
En garantie d’un prêt octroyé à une société, une banque obtient d’un couple une garantie hypothécaire lui permettant d’engager une procédure de saisie immobilière. Dans le cadre de cette procédure, une seconde banque vient déclarer sa créance, bénéficiant elle aussi d’une garantie hypothécaire et d’un cautionnement hypothécaire.
Le juge de l’exécution ordonnera dans un premier temps la vente amiable du bien.
A la suite d’un appel interjeté, la Cour rejettera la demande des époux relative à l’extinction des créances de la seconde banque.
Un pourvoi est alors formé.
L’argumentation avancée est alors la suivante. Le couple fait valoir le fait que la dette est éteinte rendant la procédure sans objet. En effet, le couple a vendu deux appartements permettant de verser à la banque une somme supérieure à la dette garantie par le cautionnement.
On apprendra par la lecture de l’arrêt que la banque et la société débitrice ont conclu un accord précisant que les paiements devaient être imputés en priorité sur le découvert autorisé. Les garants soutiennent donc que cet accord ne leur est pas opposable, car étant non-partie à l’acte en raison de l’effet relatif des conventions.
II – Le problème de droit.
La Cour devait donc se pencher sur un point essentiel. L’accord passé entre la société débitrice et la banque modifiant l’imputation des paiements était-il opposable aux garants non partis à l’acte.
La Cour répondra par la positive au soutien de l’article 1342-10 du Code civil.
Pour mémoire, cet article précise :
Le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu’il paie, celle qu’il entend acquitter.
« A défaut d’indication par le débiteur, l’imputation a lieu comme suit : d’abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d’intérêt d’acquitter. A égalité d’intérêt, l’imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement. »
On remarquera à la lecture de cet article que le débiteur peut déclarer, en cas de pluralité de dettes, quelle dette il entend rembourser.
C’est donc à bon droit que la Cour d’appel juge l’accord opposable aux garants.
III – Pour aller plus loin.
Les règles d’imputation prévues par le Code civil sont supplétives de volonté. Le débiteur peut donc librement décider d’imputer un paiement sur une dette ou un autre.
Ce choix peut léser le garant puisque le débiteur principal pourra s’acquitter des dettes non garanties. C’est ici une extension du principe du caractère accessoire de la dette.
Ce raisonnement pourra être mené à l’inverse et le garant se prévaloir de l’imputation.
On retiendra que le débiteur est libre. L’opposabilité de l’imputation est totale, tant sur la décision prise unilatéralement par le débiteur, y compris lorsque l’acte de cautionnement prévoit un ordre d’imputation que sur l’absence d’information obligatoire du garant.
Autrement dit, le débiteur principal ayant totalement la main, le garant devra régulièrement porter attention aux courriers d’informations annuelles pour voir l’encours de son engagement réduit.