Dans un arrêt qui concerne une SAS et les modalités de révocation d’un mandat de directeur général, la Cour de cassation a eu l’occasion de réaffirmer la primauté des statuts par rapport à un acte extra-statutaire. Peu importe que l’acte extra-statutaire résulte de la volonté unanime des associés, ce dernier ne peut imposer un régime dérogatoire à celui prévu dans les statuts, il peut tout au plus les compléter.
Source : Cass. Com., 9 juillet 2025, n°24-10.428
I –
L’actionnaire personne morale d’une SAS décide de céder l’intégralité de sa participation dans cette dernière à une société tierce. La cession est intervenue le 2 octobre 2019 et les associés ont élu à l’unanimité un directeur général lors de l’assemblée générale du même jour. Cette nomination s’est faite en adoptant des conditions contenues dans une annexe au procès-verbal d’assemblée générale : il y était notamment prévu que le mandat de directeur général pouvait être révoqué dans trois hypothèses précisément définies.
Les statuts de ladite SAS stipulaient que « le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu’un juste motif soit nécessaire, par décision du président ».
Le 26 juin 2020, le Président personne morale de la SAS révoque le mandat du directeur général et ce dernier assigne la SAS en paiement de dommages et intérêts en raison du refus de ladite société de lui régler certaines sommes dues en raison de la cessation anticipée de son mandat.
Dans un arrêt en date du 16 novembre 2023, la Cour d’appel de Paris juge que la révocation du directeur général est intervenue sans juste motif et condamne la SAS au paiement de sommes notamment en raison de la révocation anticipée du mandat et du caractère vexatoire et brutale de la révocation.
La SAS forme alors un pourvoi en cassation.
II –
A ce stade et au cas d’espèce, il convient de bien avoir en tête la différence entre les statuts et l’annexe du procès-verbal, soit un acte extra-statutaire, concernant les conditions de la révocation du mandat de directeur général :
- Statuts : révocation par le Président à tout moment et sans juste motif, révocation ad nutum ;
- Acte extra-statutaire : conditions de révocation dérogatoires aux statuts, la révocation ad nutum n’est pas possible.
A l’appui de son pourvoi, la SAS invoquait l’argument selon lequel il résulte des articles L. 227-1 et L. 227-5 du Code de commerce qu’il revient aux statuts d’une société de fixer les modalités de gestion de la société et notamment les conditions de révocation du directeur général. En conséquence, un acte extra-statutaire ne peut y déroger.
La Haute Cour suit le raisonnement de la SAS et énonce que :
« Il résulte de ces textes [articles L. 227-1 et L. 227-5 du Code de commerce] que les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles celle-ci est dirigée, notamment les modalités de révocation de ses dirigeants. Si une décision des associés peut compléter les statuts sur ce point, elle ne peut y déroger, quand bien même aurait-elle été prise à l’unanimité. »
III –
La Cour de cassation constate que l’unanimité des associés de la société est intervenue pour approuver des conditions de révocation différentes de celles des statuts, celles-ci ayant été formalisées dans l’annexe du procès-verbal. Mais ici, la Cour de cassation apparaît plus stricte que la Cour d’appel de Paris : si pour cette dernière, l’unanimité, et malgré l’absence de modification statutaire, permettait de ne pas violer le principe de primauté des statuts sur tout acte extra-statutaire, la Cour de cassation apparaît plus formaliste et exige que cette volonté des associés se retrouve formalisée par une modification des statuts pour respecter le principe ci-avant rappelé.
En d’autres termes, il ne fait nul doute que les associés s’étaient entendus pour fixer des conditions de révocation du mandat de directeur général différentes de celles présentes dans les statuts. Cependant, pour que cette volonté s’impose à tous il aurait fallu une modification statutaire afin de respecter le principe de primauté des statuts sur tout acte extra-statutaire qui résulte de la combinaison des articles L. 227-1 et L. 227-5 du Code de commerce.
L’acte extra-statutaire peut compléter les stipulations des statuts mais ne peut en aucun cas s’inscrire en contrariété avec ceux-ci, l’éventuelle contrariété ne pouvant être réglée qu’en modifiant les statuts.